Journal du climat

octobre 2024

Tous les deux mois, nous classons tout ce qui est important en matière de politique et de science. Pour les personnes qui souhaitent se tenir au courant des discussions sur la crise climatique.

Contenu

Éditorial

Dans ce numéro,nous parlons du projet d’élargissement des autoroutes qui sera soumis au vote fin novembre et qu'il faut empêcher. Une fois de plus, nous devons montrer comment la politique climatique nationale de la Suisse laisse à désirer. L'électricité nucléaire a de nouveau le vent en poupe en Suisse et dans le monde.

Aux Etats-Unis, le parti démocrate fait la promotion du gaz naturel afin d'attirer davantage d'électeurs. L'énergie fossile continue d'être subventionnée à hauteur de milliards dans le monde entier. Les entreprises fossiles aiment mentir, mais sont aussi plus souvent poursuivies en justice. Le dernier rapport de l'AIE montre que l'énergie solaire deviendra la plus grande source d'électricité au monde d'ici 2033. La Chine mise sur la viande de laboratoire, tandis qu'en Occident, l'industrie de la viande empêche tout progrès. En Grande-Bretagne, la dernière centrale à charbon est en train d'être fermée et en Allemagne, le billet à 49 euros a permis aux gens de prendre davantage le train et les émissions dans le secteur des transports ont diminué de près de 5 %.

Cette fois encore, nous devons faire état de dévastations sur tous les continents.  L'année dernière, les incendies de forêt ont produit autant de CO2 que l'Inde. Un nouveau rapport montre une fois de plus que la Terre se trouve déjà en dehors de la zone de sécurité pour l'humanité et que l'état des systèmes terrestres qui soutiennent la vie se détériore rapidement. Malgré tout, nous ne pouvons pas baisser les bras. Contribuer activement à la protection du climat permet de lutter contre le désespoir. Cela nous ramène au début de cet éditorial : chaque voix contre l'extension du réseau autoroutier est importante. Le vote du 24 novembre sera serré.

Suisse

Extension des autoroutes :
plus de trafic et plus de dommages climatiques

Le 24 novembre, nous voterons sur l'extension du réseau autoroutier à hauteur de 5,3 milliards de francs. Le Parlement s'était mis d'accord sur ce point à l'automne 2023 (l'UDC, le PLR et le centre étaient pour, le PS, les Verts et les Vert’libéraux contre). L'Association Transports et Environnement (ATE) et l'association Umverkehr ont lancé un référendum contre cette décision, c'est pourquoi le projet est maintenant soumis au vote.

Six tronçons d'autoroute sont concernés : Entre Berne-Wankdorf et Schönbühl BE, l'A1 doit être élargie à huit voies, entre Schönbühl et Kirchberg BE ainsi qu'entre Le Vengeron GE et Nyon VD à six voies. En outre, des tunnels autoroutiers doivent être construits à Saint-Gall, Schaffhouse et Bâle. Dans le 1er sondage SRF de début octobre, une courte majorité de 51% se prononçait en faveur de l'extension des autoroutes ; 45% étaient contre, 4% étaient encore indécis. Un sondage de 20Minuten et Tamedia avait auparavant donné une majorité de 56% en faveur de l'extension.

Les mêmes arguments sont toujours avancés en faveur de l'extension des autoroutes : moins d'embouteillages, une sécurité accrue et des avantages économiques. Cela se répète encore aujourd'hui, comme on peut le lire dans la NZZ. La mobilité est "la clé de la liberté et du progrès", a déclaré Fabio Regazzi, conseiller aux Etats du centre et président de l'Union suisse des arts et métiers. Watson rapporte que l'Office fédéral des routes (OFROU) se fait soutenir par de grandes agences de relations publiques (notamment le bureau Farner et FurrerHugi) dans sa communication sur le projet d'extension autoroutière et dépense des millions à cet effet.

Pourtant, la recherche sur la mobilité montre que des routes supplémentaires entraînent une augmentation du trafic et qu'à moyen terme, il y aura à nouveau des embouteillages. Ce trafic dit induit est attesté par de nombreuses études (voici un aperçu, dans umverkehRen n° 141, mars 2024 : Trafic induit - une vérité qui dérange). Les chiffres pour la Suisse le montrent également. Au tunnel de Baregg dans le canton d'Argovie, qui est ouvert à la circulation sur six voies depuis 2003, le trafic a augmenté de 40% jusqu'à aujourd'hui ; la population n'a augmenté que de 23% durant la même période. Et même l'Office fédéral des routes (OFROU) reconnaît, selon l'association Umverkehr, que le projet d'extension du Vengeron en Suisse romande va générer du trafic supplémentaire et que des embouteillages se formeront à nouveau dans quelques années.

Une extension va diamétralement à l'encontre des objectifs climatiques. Aujourd'hui, le trafic motorisé est responsable d'un tiers des émissions de CO2 en Suisse. Depuis des années, ce secteur ne parvient pas à atteindre les objectifs climatiques - par rapport à 1990, les émissions de CO2 n'ont diminué que de 8%. Même le Conseil fédéral a annoncé dans son message sur l'extension prévue des autoroutes que le projet entraînerait une augmentation des gaz à effet de serre.

Avec le développement des autoroutes, les coûts externes du trafic routier augmentent. Et ceux-ci sont énormes : selon le dernier calcul de l'Office fédéral du développement territorial, le trafic routier motorisé a entraîné 17,3 milliards de francs de coûts non prévus en 2021, soit plus du double de ce qui était attendu jusqu'à présent. Ces coûts comprennent les atteintes à la santé dues aux gaz d'échappement et au bruit, les dommages climatiques tels que les pertes de récoltes ou les dégâts aux forêts, la destruction de la nature et du paysage ainsi que les accidents. La raison de cette augmentation massive de coûts est entre autres une adaptation de la méthode de calcul. Ainsi, les maladies causées par la pollution de l'air comme le cancer du poumon, le diabète et la démence ont été prises en compte. Et le coût par tonne de CO2 émise est passé de 140 francs à 430 francs. Selon la NZZ (paywall), le conseiller fédéral Albert Rösti met en doute les nouveaux chiffres de son office fédéral et veut les faire vérifier par un organisme externe. Au vu du nouveau calcul, la NZZ (paywall) se demande si la Suisse devrait maintenant tripler la taxe CO2, qui est actuellement de 120 francs. Plus d'informations ici et ici dans la NZZ et sur SRF.

Les opposants à l'extension des autoroutes mettent en outre en garde contre une augmentation importante du trafic dans les villes (les projets prévus aboutissent tous dans des villes), la destruction de précieuses terres cultivables et l'accélération de l'étalement urbain. On trouvera ici les principaux arguments contre l'extension des autoroutes. L'hebdomadaire Die Wochenzeitung montre ici et ici les effets négatifs des plans d’extension d'autoroutes au niveau local.

Le président des Verts libéraux Jürg Grossen esquisse dans la NZZ (paywall) comment réduire les embouteillages sur l'A1 sans extension : avec des horaires de travail flexibles (pour atténuer les pics de trafic), la tarification de la mobilité, des systèmes de guidage numériques et une meilleure planification du développement urbain.

La votation sur les autoroutes peut également influencer d'autres projets routiers. Selon le directeur de l'OFROU Jürg Röthlisberger, un non conduirait à une "situation de départ totalement nouvelle" et remettrait en question des projets autoroutiers comme celui de l'Oberland zurichois, rapporte le Zürcher Oberländer (paywall).

2023 a été la deuxième année la plus chaude

En 2023, il a fait nettement trop chaud en Suisse : la température annuelle moyenne a été de 7,2 °C, soit 1,4 °C de plus que la moyenne des années 1991-2020. Par rapport à la période préindustrielle de 1871-1900, le réchauffement atteint déjà 2,8 °C. La forte tendance au réchauffement des dernières décennies se poursuit donc, écrit MétéoSuisse dans son rapport sur le climat. Depuis le début des mesures météorologiques officielles, des températures plus élevées n'avaient été enregistrées qu'en 2022. Certains sites, comme Bâle-Binningen et Berne-Zollikofen, ont enregistré les valeurs les plus élevées depuis le début des mesures.

Et le réchauffement se poursuit : selon MétéoSuisse, le mois d'août 2024 a été le deuxième plus chaud de l'histoire. En moyenne nationale, la température a atteint 17,1 °C, soit 2,7 °C de plus que la période de comparaison 1991-2020. Seul l'été caniculaire de 2003 avait été plus chaud, avec 17,9 °C. Dans le sud de la Suisse ainsi qu'en montagne, les records d'août 2003 ont été ponctuellement atteints ou dépassés. Plus d'informations dans le Tages-Anzeiger (paywall).

La chaleur a également affecté les glaciers : leur volume a diminué de 2,5% en 2024. Selon l'Académie suisse des sciences naturelles, deux raisons expliquent ce phénomène : des températures records en juillet et en août ainsi que la poussière du Sahara qui a coloré la surface de la neige et accéléré la fonte. Les chercheurs avaient espéré que les glaciers ne continueraient pas à reculer après deux années extrêmes (en 2022 et 2023, les glaciers avaient perdu conjointement 10% de leur volume). En effet, les conditions pour 2024 étaient très favorables jusqu'en juin : il y avait 30% de neige hivernale de plus que la moyenne et le début de l'été a été pluvieux. Une épaisse couche de neige peut protéger la glace plus longtemps de la chaleur estivale. Plus d'informations dans la NZZ et le Tages-Anzeiger (paywall).

La NZZ montre clairement comment ce réchauffement intense va modifier le paysage avec une visualisation pour l'année 2075 : la plupart des glaciers ont disparu, les domaines skiables sont fermés, les incendies de forêt sont plus fréquents, l'eau potable devient rare.

La biodiversité n'est pas mieux protégée

En Suisse, on ne met pas davantage de surfaces et de moyens financiers à disposition pour préserver et encourager la biodiversité. L'initiative sur la biodiversité a été rejetée à 63%. Seuls les cantons de Bâle-Ville et de Genève ont approuvé le projet. Quelles sont les raisons de ce clair refus ? La résistance de l'Union des paysans a été sous-estimée, peut-on lire dans le Tages-Anzeiger (paywall). L'initiative des partisans était trop sage et l'opposition du secteur de l'électricité au projet en a déstabilisé plus d'un, estime l'Aargauer Zeitung. Selon le Blick, cela est dû entre autres au mélange entre protection du patrimoine et de la nature (l'initiative prévoyait également de protéger les sites et les monuments historiques particuliers).

Les initiants demandent maintenant au Conseil fédéral d'adopter un deuxième plan d'action efficace pour la biodiversité. Compte tenu des rapports de force actuels au sein du Conseil fédéral et du Parlement, il est toutefois très douteux que davantage de moyens soient consacrés à la protection de la biodiversité. C'est ce que montre le plan d'action biodiversité remanié que l'Office fédéral de l'environnement a mis en consultation auprès des offices. Comme l'écrit le Tages-Anzeiger, la Confédération veut mettre à disposition 20 millions de francs pour la diversité des espèces. Les spécialistes critiquent le fait que cette contribution est nettement trop faible et que les mesures prévues sont insuffisantes.

L'Union suisse des paysans et d'autres opposants à l'initiative ont déformé les faits et relativisé ou embelli les problèmes au cours du débat. Ils ont ainsi utilisé la même stratégie que celle employée dans la lutte contre une protection climatique efficace, explique le podcast climatique Treibhaus.

La nécessité d'agir pour protéger la biodiversité est grande. Les sites marécageux en sont un exemple. Plus de 90% des surfaces marécageuses suisses ont déjà disparu. Le reste est certes protégé grâce à l'initiative de Rothenthurm (l'armée suisse voulait construire une place d'armes sur le plateau). Mais les marais sont en mauvais état, rapporte le Tages-Anzeiger (paywall) en s'appuyant sur une étude non encore publiée de l'Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage. La surface des hauts-marais a nettement diminué entre 2017 et 2023 et les bas-marais perdent de leur humidité, ce qui a des répercussions négatives sur la flore et la faune.

Le magazine en ligne Republik résume comment les subventions publiques nuisent à la biodiversité. La publicité pour les produits animaux, que la Confédération soutient chaque année à hauteur de 39 millions de francs, est notamment examinée d'un œil critique. En 2020 déjà, une étude avait estimé à au moins 34 milliards de francs le montant des aides publiques qui menacent la biodiversité.

Le Rapport sur le développement durable 2024 montre également que la biodiversité en Suisse est en mauvaise posture. Le rapport annuel de l'ONU sur la réalisation des objectifs de durabilité constate une détérioration de la protection des surfaces importantes pour la biodiversité en Suisse. Le rapport met également en évidence les déficits importants de la Suisse en matière d'émissions de gaz à effet de serre. Plus d'informations sur infosperber.ch.

Le Conseil fédéral veut moins de protection du climat

Le Conseil fédéral a présenté un programme d'économies visant à réduire les dépenses à partir de 2027. Le plan s'attaque massivement à la protection du climat. Le Conseil fédéral s'appuie sur un rapport d'experts commandé par la ministre des Finances du PLR Karin Keller-Sutter. Le rapport n'avait été publié que deux semaines auparavant. Un aperçu sur SRF.

C'est le Programme Bâtiments qui devrait perdre le plus d'argent, soit 400 millions de francs. C'est étonnant, car il fait partie de la loi sur le climat que le peuple a acceptée en juin 2023. La proposition d'économie concerne pour moitié le programme d'impulsion pour le remplacement des chauffages (il encourage un remplacement plus rapide des chauffages à mazout ou électriques par des pompes à chaleur) et pour moitié la promotion de nouvelles technologies de réduction du CO₂. Pour ce faire, le Conseil fédéral utilise une astuce : les technologies neutres en CO2 doivent continuer à être encouragées, mais ce ne sont pas des fonds fédéraux qui doivent être utilisés à cet effet, mais une partie des recettes de la taxe sur le CO2 , ce qui permettrait de restituer moins d'argent à la population et aux entreprises. Plus d'informations à ce sujet dans la Sonntagszeitung (paywall) et ici et ici dans des contributions Linkedin de la journaliste Alex Tiefenbacherin. La NZZ (paywall) recommande de remplacer le Programme Bâtiments par des taxes d'incitation sur le CO2 avec remboursement intégral à la population.

Les transports publics doivent également faire l'objet coupes budgétaires. Ainsi, le Conseil fédéral supprime les subventions pour les trains de nuit ainsi que pour les bus et les bateaux électriques. Ces fonds, d'un montant total de 77 millions de francs, font partie de la loi CO2, que le Parlement a adoptée lors de la session de printemps. Les CFF ont déjà fait savoir que sans subvention, aucune destination de train de nuit vers Rome ou Barcelone ne pourrait être proposée. Selon le Tages-Anzeiger, le PS a déposé une plainte de surveillance contre le Conseil fédéral. Il reproche à ce dernier de "refuser de travailler sur la protection du climat". Plus d'informations ici et ici dans le Tages-Anzeiger (paywall) et dans la NZZ.

Les coupes budgétaires prévues suscitent de vives critiques. Le PS y voit une attaque contre la Suisse sociale. Selon le parti des Verts, la majorité gouvernementale de droite veut faire reculer la protection du climat et de l'environnement de plusieurs années. Quant aux Verts libéraux, ils déplorent que l'on économise sur les investissements d'avenir. Plus d'informations sur Watson, Tages-Anzeiger (paywall) et dans la Sonntagszeitung (paywall).

A propos de la loi sur le CO2 : en juin, le Conseil fédéral avait mis en consultation l'ordonnance CO2. La République a analysé le document et est tombée sur plusieurs atténuations. Ainsi, la part des émissions pouvant être économisée à l'étranger doit être augmentée de 25% à 33%. L'obligation de compensation pour les importateurs de carburant sera assouplie. En ce qui concerne les émissions négatives, le Conseil fédéral ne veut pas de règles efficaces : pour qu'un puits de CO2 soit reconnu, le gaz à effet de serre ne doit être retenu hors de l'atmosphère que pendant 30 ans. Or, le CO2 émis aujourd'hui réchauffe le climat pendant des millénaires. Et les cimenteries, les entreprises chimiques et pharmaceutiques ainsi que d'autres entreprises qui émettent une quantité particulièrement élevée de CO2 devraient à l'avenir bénéficier d'un soutien encore plus important de la part de l'État pour la protection du climat.

En phase avec le démantèlement de la protection du climat prévu par le Conseil fédéral, le podcast sur l'effet de serre pose la question suivante : le capitalisme peut-il protéger le climat ? (La réponse est non, mais).

Dans quelle mesure ton canton et ta commune de résidence sont-ils respectueux du climat ?

Le secteur du bâtiment est responsable de 40% de la consommation d'énergie et d'environ un quart des émissions de gaz à effet de serre en Suisse. Dans ce domaine, les cantons peuvent décider eux-mêmes des mesures de protection du climat, en matière de chauffage, d'isolation ou de raccordements pour les voitures électriques. Les différences entre les cantons sont considérables, comme le montre une analyse du WWF et de la société de conseil EBP. Le canton le plus respectueux du climat est Bâle-Ville, tandis que le canton d’Appenzell Rhodes-Intérieures a le plus de retard à rattraper. Cinq domaines ont été examinés : l'efficacité des bâtiments, la chaleur renouvelable, l'électricité renouvelable, la mobilité électrique et le rôle de modèle des cantons.

Selon le WWF, des progrès considérables ont été réalisés depuis le dernier rating cantonal de 2019. C'est surtout le remplacement des anciens chauffages par des alternatives plus respectueuses du climat qui a beaucoup progressé. Pourtant, aucun canton n'est sur la bonne voie pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré. Dans l'ensemble, la politique climatique de la plupart des cantons est insuffisante. Il faut agir dans la rénovation des bâtiments et le passage à l'e-mobilité. Plus d'informations sur SRF.

Quel est le niveau d'isolation des bâtiments de ton lieu de résidence ? Quelle est la quantité d'électricité solaire produite ? Combien de voitures électriques sont autorisées dans ton canton ? Les réponses à ces questions sont fournies par plus de 50 cartes interactives de la plate-forme OK Klima. Pour ce faire, des données accessibles au public sont utilisées et toutes les communes de Suisse sont évaluées en termes de respect du climat. La logique du projet : les communes et les cantons sont importants lorsqu'il s'agit de mettre en œuvre une politique climatique efficace. Ils disposent de deux tiers de l'argent public et définissent les conditions-cadres locales. Mais selon les initiateurs, ils n'exploitent pas cette marge de manœuvre. Pour que cela change, OK Klima veut assurer une plus grande transparence sur les mesures possibles et leur efficacité. Selon le classement, les villes sont plus respectueuses du climat que les zones rurales. Plus d'informations dans le Blick.

Le Conseil fédéral ignore lui aussi l'arrêt de la CEDH

En avril, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) avait reproché à la Suisse de ne pas protéger suffisamment les femmes âgées contre le changement climatique. Comme le Conseil national et le Conseil des Etats, le Conseil fédéral rejette l'arrêt. Il estime que la Suisse remplit les exigences de l'arrêt en matière de politique climatique, notamment avec la loi révisée (et édentée) sur le CO2. Le conseiller fédéral Albert Rösti ne voit "aucune nécessité d'agir". Le Conseil fédéral ne veut pas prendre d'autres mesures pour réduire les émissions de CO₂. Le gouvernement critique également le fait qu'une association, les Aînées pour le climat, ait été autorisée à porter plainte. Le droit de recours des associations est ainsi étendu aux questions climatiques, ce qui pourrait entraver le développement des infrastructures énergétiques nécessaires.

Dans l'explication de douze pages adressée au Conseil de l'Europe, le Conseil fédéral indique également la quantité de CO2 que la Suisse serait autorisée à émettre entre 2020 et 2050 pour que l'objectif de 1,5 degré soit respecté avec une probabilité de 50%. Ce budget CO₂ s'élèverait à 1,3 ‰ de la quantité mondiale, ce qui correspond à 660 millions de tonnes d'équivalents CO₂. Cela correspond à la quantité que la Suisse émettra - en tenant compte d'une quantité considérable de certificats climatiques achetés à l'étranger - si elle respecte ses objectifs climatiques. La Suisse abrite 1,1 ‰ de la population mondiale. Le Conseil fédéral revendique donc pour la Suisse une part du budget mondial plus importante que celle convertie par habitant, bien que les pays riches se soient engagés à faire plus pour la protection du climat que les pays pauvres. Une analyse des explications du Conseil fédéral se trouve dans la République.

Greenpeace et les Aînées pour le Climat critiquent l'attitude du Conseil fédéral et les données relatives au budget CO2. Selon eux, la quantité restante de gaz à effet de serre que la Suisse est autorisée à émettre est inférieure à la moitié de cette quantité. L'organisation environnementale s'appuie sur les derniers chiffres de l'EPFZ. Greenpeace a en outre examiné à la loupe les arguments des opposants à la décision sur le climat et publié un fact check. Plus d'informations à ce sujet dans le Tages-Anzeiger et la NZZ.

Les soignants, les médecins ne comprennent pas les critiques du Conseil fédéral et du Parlement à l'encontre de l'arrêt de la CEDH. Les professionnels (réunis au sein du Consortium pour la santé durable et la transition écologique du système de santé), demandent dans une lettre ouverte au Conseil fédéral de respecter ses obligations en matière d'atténuation du changement climatique pour le bien de la santé humaine. Plus d'informations dans le Tages-Anzeiger.

Le nouveau numéro de ProClim Flash, le magazine de l'Académie suisse des sciences naturelles, montre à quel point les effets du changement climatique sur la santé sont importants, notamment pour la population âgée. Le magazine met en évidence les liens entre le changement climatique et la santé ainsi que les risques et les opportunités. Il répond également aux questions de savoir ce que la peur du climat, c'est-à-dire l'inquiétude persistante à propos du changement climatique, fait à notre santé et quelles mesures contre le changement climatique ont un effet positif sur la santé.

Plus de temps pour le Solarexpress

Pour que les installations solaires alpines puissent bénéficier de subventions fédérales pouvant atteindre 60% des coûts d'installation, au moins 10% de la puissance prévue doit être injectée dans le réseau d'ici fin 2025. Il est apparu très tôt que ce délai était trop court. A ce jour, seules deux installations ont reçu des autorisations définitives, comme le montre un aperçu de l'Office fédéral de l'énergie. Trois autres ont été autorisées en première instance, mais des recours ont été déposés. Pour la plupart des 50 installations photovoltaïques prévues, aucune demande de permis de construire n'a encore été déposée.

La Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie du Conseil des Etats veut maintenant prolonger ce délai, comme le rapporte le Tages-Anzeiger. Selon sa volonté, les installations doivent pouvoir être subventionnées même si la demande de permis de construire correspondante a été mise à l'enquête publique d'ici fin 2025. Pour cette prolongation, le Parlement doit décider d'une modification de la loi. Mais l'Office fédéral de l'énergie examine actuellement si une solution ne pourrait pas être trouvée au niveau de l'approvisionnement. En juin, le Conseil fédéral avait encore exclu une adaptation par voie d'ordonnance dans une réponse à une interpellation sur une éventuelle prolongation du délai.

Dans plusieurs cantons, on discute de l'extension de l'obligation d'installer des panneaux solaires aux bâtiments existants, qui n'existe actuellement que pour les nouvelles constructions importantes. Le gouvernement zurichois souhaite que des modules PV soient installés lors de la rénovation de toits de 300 mètres carrés ou plus. A partir de 2040, l'obligation s'appliquera à toutes les grandes surfaces de toitures. Les maisons individuelles continueront d'être exemptées. Le Grand Conseil zurichois souhaite également introduire l'obligation de PV pour les façades. Pour en savoir plus, consultez le Tages-Anzeiger (paywall) et la NZZ.

De nouveaux barrages pour l'hydroélectricité ?

En Valais, le développement de l'énergie hydraulique suscite des discussions. En 2022, les politiques, les entreprises énergétiques et certaines associations environnementales s'étaient mis d'accord sur 15 projets hydroélectriques à développer en Suisse. Ceux-ci ont également été repris dans la loi sur l'électricité, qui a été adoptée en juin 2024. Le compromis trouvé lors de la "table ronde" prévoyait qu'aucun autre projet ne serait mis en avant. Mais le canton du Valais ne veut pas s'y tenir : pas moins de neuf projets hydroélectriques supplémentaires doivent être inscrits dans le plan directeur cantonal. Le plus grand d'entre eux - "Ober-aletsch gross" - prévoit une production annuelle d'électricité de 765 gigawattheures, ce qui correspond à la consommation d'environ 150 000 ménages. Le projet se situe en plein cœur du patrimoine mondial de l'Unesco Jungfrau-Aletsch. Les associations environnementales WWF et Pro Natura critiquent ces plans. Le conseiller cantonal valaisan responsable justifie ainsi l'écart par rapport à l'accord : "Tous les cantons sont libres d'examiner et de planifier d'autres projets". C'est le Conseil fédéral qui décidera du nouveau plan directeur. Plus d'informations dans le Tages-Anzeiger.

Après que de petites associations environnementales aient annoncé leur opposition à certains projets de la "table ronde sur l'énergie hydraulique", des politiciens bourgeois veulent restreindre le droit de recours des associations. Ainsi, la majorité de la Commission de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie du Conseil des Etats veut supprimer la possibilité pour les associations de faire opposition aux projets hydroélectriques autorisés par la loi sur l'électricité. Au sein de la Confédération, le défenseur du paysage Hans Weiss critique le démantèlement prévu. Au lieu de supprimer le droit de recours des associations, l'association économique swisscleantech suggère dans la NZZ d'augmenter les capacités des tribunaux. Cela permettrait d'accélérer efficacement les procédures. Dans la NZZ, on peut également lire un bref résumé sur le droit de recours des associations.

Afin de limiter les dégâts écologiques des centrales hydroélectriques, leurs exploitants reçoivent environ 1 milliard de francs de la Confédération. Il y a dix ans, les cantons ont désigné 100 centrales devant faire l'objet d'un assainissement écologique d'ici 2030. Un rapport montre aujourd'hui que ce délai ne pourra pas être respecté. De plus, l'assainissement coûte nettement plus cher. Il faudrait "plusieurs milliards de francs" pour atténuer les dégâts écologiques des barrages. Fait important : le rapport est disponible depuis plusieurs mois, mais le conseiller fédéral Albert Rösti a empêché qu'il soit publié avant la votation sur l'initiative biodiversité. Plus d'informations dans l'Aargauer Zeitung (paywall).

Le Conseil fédéral veut faire sauter l'interdiction de construire de nouvelles centrales nucléaires

En adoptant la Stratégie énergétique 2050, le peuple suisse avait également approuvé en 2017 l'interdiction de construire de nouvelles centrales nucléaires. Le Conseil fédéral ne veut plus s'en tenir à cette décision populaire. Il veut permettre la construction de nouvelles centrales nucléaires et a annoncé à cet effet un contre-projet indirect à l'initiative populaire "Du courant en tout temps pour tous (Halte au black-out)". Cela doit se faire au niveau de la loi (loi sur l'énergie nucléaire), une modification de la Constitution fédérale serait superflue. Avec sa décision, le Conseil fédéral suit le ministre de l'énergie Albert Rösti qui, jusqu'à son élection au Conseil fédéral, était membre du Club suisse de l'énergie, lequel se présente comme le porteur officiel de l'initiative, comme on peut le lire dans le Tages-Anzeiger. Plus d'informations dans le Tages-Anzeiger et la NZZ.

L'association économique Economiesuisse salue le changement de cap du Conseil fédéral, tout comme le PRD et l'UDC. Tous les autres partis critiquent cette décision. La SRF résume les critiques en disant qu'elle est hors du temps, qu'elle n'a aucun sens économique et qu'elle représente un forcing idéologique. Le président du Mitte, Gerhard Pfister, estime que la démarche du Conseil fédéral est malhonnête. Avec le contre-projet, une discussion sur le financement de nouvelles centrales nucléaires reste exclue, critique-t-il dans le Tages-Anzeiger (paywall). La Fondation suisse de l'énergie reproche au Conseil fédéral de saboter la sécurité de l'approvisionnement énergétique et l'abandon rapide du pétrole et du gaz.

Les entreprises énergétiques suisses se montrent sceptiques face à l'initiative du Conseil fédéral, car les nouvelles centrales nucléaires ne sont pas rentables. La NZZ dresse la liste des "obstacles gigantesques" à la construction de nouvelles centrales nucléaires. Les politiciens bourgeois exigent déjà de nouvelles subventions pour les exploitants. Les règles relatives au stockage final des déchets nucléaires doivent également être assouplies en faveur des exploitants de centrales nucléaires. Plus d'informations dans le Tages-Anzeiger, la NZZ et la NZZ am Sonntag (paywall). Pour les lobbyistes des centrales nucléaires, le contre-projet du Conseil fédéral ne va pas assez loin. Ils demandent en outre que les procédures soient raccourcies, explique le Tages-Anzeiger.

La majorité du Conseil national ne veut pas entendre parler de supprimer l'interdiction de construire de nouveaux bâtiments. Lors de la session d'automne, il a rejeté une motion similaire déposée il y a deux ans par l'UDC Thomas Burgherr. Selon un sondage représentatif de Watson, une courte majorité des votants s'oppose également à la levée de l'interdiction (51% disent non ou plutôt). Un sondage de Tamedia et 20 Minuten a abouti au résultat inverse (53% disent oui ou plutôt oui).

Le calendrier du Conseil fédéral pour lever l'interdiction de construire de nouveaux bâtiments est ambitieux. Le contre-projet devrait être mis en consultation cette année encore, et le Parlement devrait en débattre à partir de l'été 2025. Entre-temps, des doutes fondés sont apparus quant à la légitimité de nombreuses signatures déposées. Les initiants ont acheté un grand nombre de signatures à des entreprises, dont des milliers auraient été falsifiées. La Fondation suisse de l'énergie demande que le contre-projet du Conseil fédéral soit suspendu jusqu'à ce que l'on sache si suffisamment de signatures valables ont été déposées. Le Conseil fédéral n'en voit cependant pas la raison. Plus d'informations dans le Tages-Anzeiger (paywall) et dans la NZZ.

Décisions de la Confédération et des cantons en matière de climat

La Suisse a adapté ses recommandations alimentaires, appelées pyramide alimentaire. L'Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) et la Société Suisse de Nutrition (SSN) ont pris en compte non seulement les aspects d'une alimentation saine et équilibrée, mais aussi la durabilité des produits (rareté des ressources et impact sur le climat). Désormais, l'accent est davantage mis sur les fournisseurs de protéines végétales. Les légumineuses telles que les lentilles, les pois chiches, les haricots rouges et blancs sont citées en premier, avant les œufs, la viande et les autres sources de protéines. Le poisson est passé au second plan en raison des problèmes de surpêche. Plus d'informations dans le Tages-Anzeiger.

Dans la ville de Zurich, les gaz à effet de serre produits par l'incinération des boues d'épuration seront à l'avenir captés et déversés dans la mer du Nord. Les électeurs ont approuvé un crédit de 35 millions de francs à cet effet. Plus d'informations dans la NZZ.

Politique climatique internationale

Etats-Unis : les démocrates font la promotion du gaz naturel pour gagner des électeurs

En novembre, les Etats-Unis éliront un nouveau président. Les candidats ont des points de vue très différents sur le changement climatique. Donald J. Trump s'est moqué du réchauffement climatique en le qualifiant d'"escroquerie". Le candidat républicain à la vice-présidence, JD Vance, a qualifié le changement climatique de "science étrange". Cela n'a rien de surprenant. Ce qui surprend en revanche, c'est la nouvelle stratégie de communication des démocrates.

Tim Walz, le candidat démocrate à la vice-présidence, a souligné que le changement climatique était réel, mais s'est vanté du fait que la production de pétrole et de gaz avait atteint des niveaux records sous l'administration Biden. La vice-présidente Kamala Harris avait également souligné lors de son débat avec M. Trump : "Nous avons investi mille milliards de dollars dans une économie énergétique propre tout en augmentant la production nationale de gaz à un niveau historique".

Il y a quelques mois encore, la Maison Blanche tentait de dissimuler le fait que le président Biden, qui a appelé à une transition loin des combustibles fossiles, a en réalité supervisé le plus grand boom pétrolier et gazier de l'histoire des États-Unis. Selon la U.S. Energy Information Administration, la production d'énergie en Amérique a atteint un niveau sans précédent.

Les Démocrates semblent désormais considérer que les voix des écologistes sont déjà acquises. C'est pour les indécis qu'ils doivent s'inquiéter. Beaucoup d'entre eux vivent en Pennsylvanie, un Etat décisif pour les élections, où la fracturation hydraulique est très répandue. Plus d'informations dans le NY Times (paywall).

2,6 billions de dollars de subventions nuisibles

Selon un nouveau rapport de l'organisation Earth Track, le monde dépense au moins 2,6 billions de dollars par an en subventions qui alimentent les crises du climat et de la biodiversité. Les gouvernements continuent d'accorder des allègements fiscaux, des subventions et d'autres dépenses qui vont directement à l'encontre des objectifs de l'Accord de Paris sur le climat de 2015 et de l'Accord de Kunming-Montréal de 2022 visant à enrayer la perte de biodiversité. On peut citer par exemple le soutien de l'État aux grands bateaux de pêche, qui favorisent la surpêche, et les mesures gouvernementales qui encouragent la production d'essence, d'engrais synthétiques et de monocultures. Selon le rapport, le montant total annuel des subventions nuisibles à l'environnement a augmenté de 500 milliards de dollars américains, corrigé de l'inflation, depuis la dernière publication de 2022. Cette hausse s'explique par les conséquences de la guerre en Ukraine. Plus dans le Guardian.

Le Japon continue lui aussi d'investir fortement dans les énergies fossiles. Plus d'informations sur Climate Change News et Japan Times. Plus d'un tiers (35%) des projets de l'initiative japonaise "Asia Zero Emissions Community (AZEC)" en Asie du Sud-Est se concentrent sur les technologies liées aux combustibles fossiles, selon une récente étude de Zero Carbon Analytics.

Les entreprises fossiles continuent de mentir, mais sont de plus en plus souvent poursuivies en justice

L'explosion de la plateforme pétrolière BP Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique en avril 2010 a provoqué l'une des plus grandes catastrophes écologiques de l'histoire. Plus de 4 millions de barils de pétrole se sont déversés dans l'océan, causant d'énormes dégâts écologiques. Selon des documents récemment publiés, BP a supervisé une grande partie de la recherche universitaire sur les conséquences environnementales de la catastrophe. Une enquête de Follow the Money montre comment les études minimisent l'impact de la marée noire sur les écosystèmes marins, contredisant ainsi les résultats des recherches commandées par les autorités américaines. Ces révélations suscitent de nouvelles inquiétudes quant à l'influence croissante des entreprises sur la science et aux conflits d'intérêts potentiels. Plus d'informations dans le Guardian et sur Follow the Money.

Pourtant, les entreprises de combustibles fossiles sont confrontées à un nombre croissant de poursuites judiciaires, comme le montre une nouvelle analyse d'Oil Change International et de Zero Carbon Analytics. Le nombre de plaintes déposées chaque année dans le monde a presque triplé depuis 2015, année de la signature de l'accord de Paris sur le climat par les Nations unies. 86 plaintes ont été déposées et 40 sont en cours. Les plaintes ont été déposées par des villes, des États et d'autres organisations gouvernementales, ainsi que par des groupes environnementaux, des groupes autochtones et des particuliers. Cinquante ont été déposées auprès de tribunaux américains, 24 dans des pays européens, cinq en Australie et quatre au Nigeria.

La plus forte augmentation du nombre de litiges a été enregistrée dans les actions en compensation des dommages climatiques, qui représentent 38% des cas. La science de l'attribution y contribue. Elle permet aux scientifiques de calculer l'impact du changement climatique sur certains phénomènes météorologiques extrêmes et de quantifier les effets climatiques dus aux émissions de certaines entreprises de combustibles fossiles. Jusqu'à présent, aucune entreprise de combustibles fossiles n'a été contrainte de payer pour des dommages climatiques, mais les responsabilités potentielles sont énormes. Plus d'informations sur Climate Analytics.

L'affaire la plus avancée en matière de dommages climatiques a été portée en 2015 par un agriculteur péruvien contre le géant allemand de l'énergie RWE. RWE est accusée de contribuer aux effets climatiques qui menacent la maison de l'agriculteur dans les Andes. Dans une démarche sans précédent, des juges allemands se sont rendus au Pérou en 2022 afin de déterminer le montant des dommages causés par RWE. Le nombre de plaintes pour publicité mensongère est également en augmentation. De telles plaintes représentent aujourd'hui 16% de toutes les plaintes climatiques. Plus dans le Guardian.

Il est également encourageant de constater que l'ancien secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a appelé les gouvernements à négocier un traité de non-prolifération des combustibles fossiles. Son leadership a été déterminant pour la mise en œuvre d'autres projets de traités importants au cours des deux dernières décennies.

En Asie, la viande de laboratoire fait l'objet d'une promotion intensive

Chaque année, 80 milliards d'animaux sont abattus dans le monde pour la production de viande. Leur élevage occupe la majeure partie des terres agricoles du monde. Elle a entraîné des zoonoses et une énorme déforestation. Elle a pollué l'air et l'eau et rejeté des gaz à effet de serre dans l'atmosphère. NY Times (paywall).

La production de viande est inefficace : nourrir une vache avec jusqu'à 100 calories de céréales ne produit qu'une calorie de bœuf. Les trois quarts de la surface agricole totale - une surface deux fois plus grande que la Chine et l'Inde réunies - sont utilisés pour la culture de fourrage ou pour le pâturage. Cela favorise la déforestation et menace les ressources en eau. Les aliments d'origine animale sont responsables d'un cinquième des émissions mondiales de gaz à effet de serre et libèrent plus de méthane que la production de pétrole et de gaz. La peste porcine africaine et les effets de la crise climatique ont rendu l'approvisionnement mondial en viande instable. Sur Carbon Brief, on peut lire un article sur la manière dont le changement climatique fait grimper les prix des denrées alimentaires dans le monde.

Notre système alimentaire actuel est en train d'entrer en collision avec les limites planétaires. La production de viande devrait augmenter de plus de 50 % d'ici 2050 par rapport à 2012, sous l'impulsion d'une population mondiale et d'une consommation de viande croissantes. C'est pourquoi la Chine et d'autres pays asiatiques souhaitent promouvoir intensivement le développement de la viande de laboratoire, par le biais d'investissements publics et de coopération scientifique.

La production de viande de laboratoire consiste à cultiver des protéines animales sans avoir besoin d'un animal vivant. Les analyses du cycle de vie montrent que les émissions de gaz à effet de serre, la consommation d'eau et les surfaces agricoles pourraient être réduites, parfois de plus de 90%. D'ici 2050, le secteur des protéines alternatives pourrait générer une croissance économique annuelle d'environ 700 milliards de dollars américains. Mais on ne sait pas encore où ces bénéfices iront. Un rapport de la National Security Commission on Emerging Biotechnology américaine conclut que la Chine est bien placée pour profiter d'une telle révolution agricole en raison de ses investissements considérables dans la recherche et le développement et de ses capacités de production dans les secteurs alimentaires existants. Plus d'informations sur Nature.

Aux États-Unis, le Center for Strategic and International Studies a soutenu dans un rapport révolutionnaire que le gouvernement devrait donner la priorité aux protéines alternatives en tant qu'industrie nationale cruciale, au même titre que les produits pharmaceutiques, les énergies renouvelables et l'IA. Mais dans les pays occidentaux, l'industrie de la viande mène un lobbying intense et efficace pour empêcher les alternatives, explique George Monbiot dans un blog.

L'Australie autorise trois nouvelles mines de charbon géantes

L'Australie a autorisé l'exploitation de trois nouvelles mines de charbon géantes. Le gouvernement travailliste d'Anthony Albanese affirme cependant qu'il réduira les autorisations pour les énergies fossiles et qu'il accélérera le développement de nouvelles énergies renouvelables. Mais les chiffres montrent le contraire. Sous le gouvernement de centre-gauche, les exportations d'énergies fossiles sont probablement plus importantes que jamais dans l'histoire de l'Australie. Et les énergies renouvelables ne se développent pas du tout aussi rapidement qu'il le faudrait pour atteindre les objectifs climatiques nationaux. Pour en savoir plus, consultez le blog de Ketan Joshi.

Beaucoup d'argent pour le nucléaire et pour l'IA

L'énergie nucléaire reçoit un grand coup de pouce de la part des 14 plus grandes banques et institutions financières du monde, qui souhaitent soutenir financièrement un triplement de la capacité nucléaire mondiale d'ici 2050. Certaines institutions financières, dont la Banque mondiale, se sont jusqu'à présent montrées réticentes à investir dans l'énergie nucléaire. Mais aujourd'hui, de grandes banques comme Bank of America, Barclays et BNP Paribas s'y engagent. Cet engagement est intervenu quelques jours seulement après l'annonce par un fournisseur d'énergie américain de la remise en service d'une partie de la centrale nucléaire de Three Mile Island afin de produire de l'électricité à faible teneur en CO2 pour les centres de calcul de Microsoft. La centrale a connu une fusion partielle du cœur d’un de ses réacteurs en 1979, la plus grande catastrophe nucléaire de l'histoire des États-Unis. Google a cependant commandé six ou sept nouveaux petits réacteurs nucléaires afin de couvrir ses énormes besoins en énergie pour l'intelligence artificielle (IA). "Nous pensons que l'énergie nucléaire peut jouer un rôle important pour répondre à nos besoins et nous aider à satisfaire nos besoins de manière propre et 24 heures sur 24", a déclaré Michael Terrell, directeur principal de l'énergie et du climat chez Google. Plus d'informations dans le Financial Times (paywall) ici, ici et ici.

En raison de l'énorme consommation d'énergie de ses centres de données, Microsoft génère aujourd'hui environ 30% d'émissions de plus qu'en 2020. Cela se vérifie également chez Google. Les émissions de gaz à effet de serre de Google ont augmenté de 48% depuis 2019. Plus d'informations sur Infosperber.ch, SRF et le Tages Anzeiger (paywall).

Politique climatique européenne

Le Royaume-Uni ferme ses dernières centrales à charbon

L'énergie issue de la combustion du charbon a alimenté l'industrialisation mondiale, qui a débuté au Royaume-Uni. Dans le berceau de l'utilisation du charbon, la dernière centrale à charbon a été arrêtée début octobre après plus de 140 ans. L'Etat insulaire franchit ainsi un pas important vers la sortie des énergies fossiles, qui marquaient autrefois de manière déterminante le système économique et la production d'énergie correspondante. En effet, il y a une centaine d'années, la quasi-totalité de l'électricité produite au Royaume-Uni provenait de la combustion du charbon, avant que le pétrole et l'énergie nucléaire, puis le gaz naturel depuis les années 1990 et enfin les énergies renouvelables telles que l'énergie éolienne et solaire ne prennent progressivement le relais. D'ici 2035, l'ensemble du mix électrique devra être exempt de CO2. Outre les énergies renouvelables, l'énergie nucléaire doit également continuer à fournir une contribution importante à la production d'électricité. Cela s'accompagne de nouveaux défis comme la flexibilisation du système électrique. Pour en savoir plus, consultez la BBC, la ZDF et le Tagesschau.

La Haye interdit la publicité pour les énergies fossiles

La Haye sera la première ville au monde à ne plus faire de publicité publique pour les combustibles fossiles et les services nuisibles au climat à partir de 2025, rapportent le Guardian et Bloomberg. La ville répond ainsi à l'appel du secrétaire général de l'ONU Guterres, qui voit dans les entreprises fossiles les "godfathers of climate chaos". La Haye souhaite atteindre la neutralité climatique d'ici 2030. Faire de la publicité pour les énergies fossiles serait en contradiction avec cet objectif, selon Leonie Gerritsen, membre du conseil municipal. Les publicités politiques ou la publicité de certaines marques sont exclues. Des villes comme Edinburgh, Toronto ou Graz suivent actuellement des approches similaires. La Haye, qui n'est pas seulement le centre administratif des Pays-Bas, mais aussi le siège d'institutions internationales comme la Cour pénale internationale, pourrait servir de modèle et d'inspiration pour d'autres villes dans le monde.

Procédures judiciaires au Portugal

La Cour suprême portugaise a statué en faveur des quatre organisations environnementales et contre le gouvernement. La Cour a fait droit aux plaintes des organisations, qui soutenaient que le gouvernement n'avait pas respecté plusieurs délais pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et d'autres mesures de protection du climat depuis l'adoption de la loi sur le changement climatique en 2021.

Plus de protection du climat et de biodiversité dans l'agriculture

Une étude récemment publiée par le think tank Agora Agriculture montre que des mesures ciblées dans le secteur de l'utilisation des terres (agriculture et sylviculture) peuvent contribuer de manière décisive à réduire la crise du climat et de la biodiversité tout en apportant une valeur ajoutée à la bioéconomie. L'étude poursuit une tentative analytique intégrative pour combler les lacunes des scénarios climatiques en présentant un scénario du secteur en tant que partie du système alimentaire et de la bioéconomie dans une UE climatiquement neutre d'ici le milieu du siècle. Les auteurs soulignent quatre résultats principaux:

  1. L'agriculture et la sylviculture peuvent considérablement accroître leur contribution à la réalisation de la neutralité climatique, à la protection de la biodiversité, à la santé humaine et à d'autres objectifs de durabilité sociétale.
  2. D'ici le milieu du siècle, l'agriculture et les tourbières agricoles de l'UE peuvent réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 60 %, ce qui contraste fortement avec la stagnation de leurs émissions depuis toujours.
  3. Une utilisation efficace des terres et une demande plus durable en denrées alimentaires, en aliments pour animaux et en autres biomasses sont les principaux leviers permettant de réaliser ces potentiels de durabilité.
  4. La législature européenne 2024-2029 est cruciale, car elle permet de créer un environnement politique favorable.

Allemagne

Le billet à 49 euros réduit les émissions de CO2

Les personnes possédant un Deutschlandticket conduisent moins souvent. Selon une analyse d'Ariadne, le Deutschlandticket a permis de réduire les émissions de CO2 dues au trafic automobile d'environ 6,7 millions de tonnes. Cela correspond à une réduction de 4,7% des émissions totales dans le secteur des transports.

Les trajets en train ont nettement augmenté après l'introduction du ticket Allemagne, selon l'étude : le nombre de trajets de plus de 30 kilomètres a augmenté de 30,4%, tandis que le nombre de kilomètres parcourus en voiture a diminué de 7,6%. La part des trajets en train sur l'ensemble des trajets de plus de 30 kilomètres est passée d'environ 10% à 12%. Le Deutschlandticket n'a pas fondamentalement augmenté le nombre de personnes se déplaçant, mais celles-ci ont choisi d'autres moyens de transport pour effectuer leurs trajets.

Mi-septembre, les ministres des Transports de l'État fédéral et des Länder ont annoncé que le Deutschlandticket coûterait neuf euros de plus qu'actuellement, soit 58 euros par mois, à partir de 2025. L'augmentation du prix l'année prochaine réduira l'effet bénéfique. Selon l'étude, la baisse des émissions de CO2 dues au trafic automobile ne serait alors plus que de 3,6 millions de tonnes de CO2, au lieu de 6,7 millions de tonnes actuellement.

Dans l'ensemble du secteur des transports en Allemagne, environ 146 millions de tonnes de gaz à effet de serre ont été émises en 2023. Cela représente un bon cinquième de toutes les émissions au niveau fédéral. Ces dernières années, le secteur a largement dépassé les objectifs climatiques nationaux et européens. Plus d'informations sur le site de la TAZ.

La forêt allemande ne protège plus le climat

Les forêts allemandes émettent plus de gaz à effet de serre qu'elles ne peuvent en absorber grâce à leur fonction de puits de carbone. Les principales causes de cette situation sont les conséquences de la crise climatique, a déclaré le ministre fédéral de l'Agriculture Özdemir lors de la présentation des résultats du quatrième "Inventaire forestier fédéral" (BWI). Parmi ces conséquences, on compte notamment les sécheresses, la propagation de parasites tels que les scolytes ainsi que le prélèvement continu d'arbres. L'inventaire forestier fédéral est un instrument central pour l'enregistrement et l'analyse de l'état et de l'évolution des forêts allemandes. En raison de ces changements dramatiques, la forêt perd son rôle important dans la lutte contre la crise climatique, rôle pour lequel elle a été appréciée pendant des décennies. Depuis 2017, environ 41,5 millions de tonnes de stockage de carbone ont été perdues, ce qui menace également la base économique de nombreuses entreprises forestières. Le WWF Allemagne demande que les vieilles forêts de feuillus ne soient plus exploitées qu'à minima, que l'on cesse d'encourager la combustion du bois dans les centrales électriques et que l'on instaure à la place une économie circulaire dans la filière bois.

Dans ce contexte, le WWF a renouvelé sa demande de réforme de la loi fédérale sur les forêts. Celle-ci est certes inscrite dans l'accord de coalition du gouvernement fédéral, mais se heurte, selon un projet divulgué, à une résistance considérable de la part des milieux politiques et économiques. Dans un podcast, la Deutschlandfunk Hintergrund propose un aperçu des différents intérêts en présence et de la réforme de la loi. La BWI confirme toutefois que la transformation de la forêt progresse et que les arbres feuillus, par exemple, sont en train de pousser.

Les élections régionales mettent en péril la protection du climat

La Saxe, la Thuringe et le Brandebourg ont élu de nouveaux parlements régionaux au cours des dernières semaines. Dans les trois Länder, l'AfD, parti d'extrême droite, a obtenu des scores records. Dans le Brandebourg, elle est arrivée en deuxième position juste derrière le SPD et en Saxe juste derrière la CDU. En Thuringe, elle a même remporté les élections avec une nette avance et obtiendra un tiers des sièges au Landtag. Le parti détient ainsi ce que l'on appelle la minorité de blocage et peut bloquer les procédures législatives qui nécessitent une majorité des deux tiers (par exemple pour les modifications de la Constitution ou l'élection des juges). L'alliance populiste Sahra Wagenknecht (BSW), fondée au début de l'année après la scission de Wagenknecht du parti de gauche Die Linke et considérée comme très favorable à la Russie, a également connu un succès considérable.

Le BUND Saxe qualifie de décevants les résultats des mesures de protection de l'environnement et du climat en rapport avec les élections locales. L'association environnementale résume qu'en Saxe, la moitié des députés élus appartiennent désormais à des partis qui "veulent miser davantage sur les combustibles fossiles, de préférence en provenance de Russie", selon le professeur Felix Ekardt de BUND Saxe. Il existe un "risque sérieux que le développement nécessaire des énergies renouvelables et la protection du climat soient relégués au second plan". Un aperçu de la signification des succès électoraux des populistes et de l'extrême droite en Thuringe et en Saxe est résumé dans une chronique d'Elena Matera (RiffReporter).

Congrès sur l'avenir des Verts

Lors du congrès sur l'avenir des Verts, la co-présidente du groupe parlementaire Katharina Dröge s'est exprimée devant un millier de représentants de la politique, de l'économie et de la société civile. Elle a souligné : "Il n'y a pas de sujet plus urgent que la crise climatique". Il semble donc que l'un des thèmes centraux de la campagne électorale du Bundestag en septembre 2025 soit fixé. Lors du congrès, des propositions telles qu'un fonds d'investissement pour les infrastructures publiques de l'État fédéral, des Länder et des communes ainsi que le renforcement du programme d'action pour la protection naturelle du climat ont notamment été discutées, comme le rapporte Tagesspiegel Background (paywall). Le fonds nouvellement créé devrait par exemple promouvoir l'infrastructure hydrogène, la numérisation de l'administration ainsi que l'infrastructure ferroviaire.

Le congrès a eu lieu quelques jours après l'annonce que l'ensemble de la direction du parti ne se représentera pas au congrès de novembre et démissionnera donc. La secrétaire d'État parlementaire au BMWK, Franziska Brantner, ainsi que le député fédéral et ancien président des Verts de Rhénanie du Nord-Westphalie, Felix Banaszak, sont considérés comme des successeurs potentiels des co-présidents du parti, Ricarda Lang et Omid Nouripour. Le Tagesschau et la Deutschlandfunk donneront plus de détails à ce sujet. Le secrétaire d'État Sven Giegold, qui a travaillé de nombreuses années pour les Verts au Parlement européen, est candidat à la succession de Michael Kellner au poste de directeur fédéral (Frankfurter Rundschau).

La crise climatique visible

La chaleur croissante et comment les écoliers en souffrent

La Terre continue de se réchauffer. Selon le service Copernicus sur le changement climatique de l'UE, l'été 2024 a été le plus chaud depuis le début des relevés. De juillet 2023 à août 2024, la température mondiale a été supérieure de 1,5 degré à la valeur préindustrielle pendant 13 mois sur 14. Plus d'informations dans le NY Times (paywall) et la NZZ.

Les chercheurs s'interrogent depuis longtemps sur les raisons possibles de ce réchauffement marqué. Gavin Schmidt, climatologue de la NASA, résume l'état des connaissances dans le magazine en ligne E360. On peut imaginer entre autres des modifications du cycle solaire, l'éruption d'un volcan sous-marin et de nouvelles réglementations en matière de pollution par la navigation. Mais aucun de ces facteurs, même combinés, ne semble suffisant pour expliquer la situation. "Les choses se comportent de manière plus imprévisible que ce à quoi nous nous attendions, et cela signifie que les prévisions pour l'avenir pourraient également ne pas être aussi bonnes". Carbon Brief fournit également un aperçu des facteurs déclencheurs de la chaleur.

Carbon Brief a examiné l'ampleur de l'impact du changement climatique sur l'éducation des enfants dans le monde. En raison des vagues de chaleur, des millions d'enfants ont été touchés par des fermetures d'écoles cette année, notamment au Soudan du Sud, en Inde, au Bangladesh et aux Philippines. Une étude de la Banque mondiale montre que la chaleur entraîne une baisse des résultats d'apprentissage. Elle a un impact direct sur le développement physique et cognitif des jeunes.

Dévastations sur quatre continents

Les événements extrêmes survenus ces dernières semaines dans le monde entier ont montré à quel point la crise climatique augmente la probabilité d'intempéries et les risques qui y sont liés. La République et le NY Times en donnent un aperçu (paywall).

Cyclones : En Asie du Sud-Est, des centaines de personnes sont mortes dans la tempête Yagi, qui s'est déplacée des Philippines et de la Thaïlande vers le Vietnam, le Laos et la Birmanie.

A quelques jours d'intervalle, deux ouragans - Helene et Milton - ont dévasté une partie des Etats-Unis. La tempête Helene a fait rage de la Floride à la Virginie et a coûté la vie à plus de 200 personnes. Auparavant, des températures records avaient été mesurées à la surface de la mer dans le Golfe du Mexique. Le changement climatique a rendu ce réchauffement 200 à 500 fois plus probable (source Guardian). Selon une étude d'attribution, les précipitations ont augmenté de 10 %. Globalement, la combustion de combustibles fossiles a rendu les tempêtes comme Hélène deux fois et demie plus probables qu'à l'ère préindustrielle.

L'ouragan Milton est passé d'une tempête de catégorie 1 à la catégorie 5, la plus élevée, en seulement douze heures. Le changement climatique a joué un rôle central dans cette évolution, comme on peut le lire dans l'Atlantic. Grâce à la température élevée de la mer, la tempête a gagné beaucoup d'énergie. Cette énergie se traduit par des vitesses de vent plus élevées. Milton a en même temps prélevé plus d'humidité dans l'atmosphère très humide et réchauffée (pour chaque degré Celsius d'augmentation de température, l'air peut absorber 7% de vapeur d'eau en plus). Comme la tempête s'est à nouveau affaiblie au-dessus du Golfe du Mexique, les dégâts ont été moins importants que prévu. Plus d'informations dans le Tages-Anzeiger.

Les ouragans sont-ils plus fréquents ? Non, mais leur intensité augmente, tout comme la quantité de précipitations. Ensemble, ces phénomènes entraînent des dangers nettement plus importants, peut-on lire dans le Tages-Anzeiger et dans la contribution Linkedin du climatologue Reto Knutti.

Inondations en Europe : la Pologne, la République tchèque, la Hongrie et l'Autriche ont enregistré les plus fortes précipitations depuis le début des mesures. Plus de 20 personnes ont perdu la vie. Le changement climatique a rendu un tel événement extrême deux fois plus probable, écrit le Süddeutsche Zeitung, qui s'appuie sur une étude de l'équipe de recherche World Weather Attribution.

Les inondations ne sont pas une anomalie, a déclaré Janez Lenarčič, commissaire européen à la gestion des crises. "Cela devient rapidement la norme pour notre avenir commun. L'Europe est le continent qui se réchauffe le plus rapidement au monde (source Guardian). Plus d'informations sur les intempéries en Europe sur ORF, le NY Times (paywall) et Klimareporter.

Mi-octobre, des pluies extrêmes ont provoqué d'importants dégâts dans le sud-est de la France. Dans certains endroits, il est tombé en 48 heures autant de pluie qu'en toute autre période de l'année. Plus d'informations sur la SRF et le Tages-Anzeiger.

Inondations en Afrique : Les inondations ont fait nettement plus de victimes en Afrique de l'Ouest. Le nombre de victimes est estimé à plus d'un millier et plus de six millions de personnes ont été touchées. La situation est particulièrement grave au Tchad et au Nigeria, où un barrage a cédé après de fortes pluies. Bien que l'Afrique soit à l'origine de moins de 4% des émissions mondiales de CO2, le continent est plus touché que la moyenne par les événements extrêmes. Pour en savoir plus, consultez l'organisation humanitaire OCHA, Reuters et la NZZ.

Les forêts n'absorbent presque plus de CO2

Cette année et l'année dernière, des incendies de forêt catastrophiques ont fait rage dans de nombreuses régions du monde.

Canada

L'année dernière, 150 000 kilomètres carrés de forêts ont brûlé au Canada, soit sept fois la moyenne historique et environ 4 % de la surface forestière du pays. 230 000 personnes ont dû être évacuées et des millions de Nord-Américains ont souffert de la pollution de l'air. Par moments, les nuages de fumée ont recouvert la métropole de New York, située à des milliers de kilomètres.

Une étude publiée dans Nature s'est penchée sur les raisons pour lesquelles les forêts canadiennes ont autant brûlé en 2023 : des températures supérieures à la moyenne, une fonte des neiges très précoce et un manque de précipitations, tous causés par le changement climatique, ont conduit aux incendies de forêt dévastateurs au Canada. Les incendies de l'Ouest ont été aggravés par des années de sécheresse, tandis que l'Est du Canada a connu une soudaine "sécheresse éclair".

L'Amérique du Sud aussi brûle comme jamais auparavant

D'immenses étendues de terre ont été brûlées en Équateur, au Paraguay, au Pérou, au Brésil et dans d'autres pays par des incendies causés en grande partie par l'homme. Plus d'informations dans le Guardian. En Amazonie, le nombre de foyers d'incendie a augmenté de 43% de janvier à juillet 2024 par rapport à l'année précédente. Plus de 20 000 foyers d'incendie ont été enregistrés, le chiffre le plus élevé pour cette période depuis 2005. Plus sur Rainforest Foundation US, Reuters.  

Selon une nouvelle étude, le changement climatique a multiplié par quatre ou cinq la probabilité des gigantesques incendies de forêt qui se sont propagés en juin 2024 dans les zones humides du Pantanal au Brésil.

Les forêts émettent d'énormes quantités de CO2

Les incendies de forêt du Canada comptent parmi les plus grandes sources de CO₂ au monde, comme le montre une étude publiée par Nature. En seulement cinq mois, les incendies de forêt ont provoqué quatre fois plus d'émissions de gaz à effet de serre que le Canada n'en a émis pendant une année entière en brûlant du charbon, du pétrole et du gaz - une quantité comparable aux émissions fossiles de l'Inde. Plus sur Klimareporter.de

Une nouvelle étude montre que l'année dernière, les forêts et les sols de la Terre ont absorbé nettement moins de CO2 que d'habitude. Jusqu'à présent, la végétation et les océans absorbaient chacun un quart de nos émissions de CO₂ et atténuaient ainsi le réchauffement. En raison des incendies de forêt canadiens et des sécheresses en Amazonie, la végétation et les sols n'ont en fin de compte presque pas absorbé de CO₂ l'année dernière. Ainsi, contrairement à la meilleure compréhension scientifique actuelle, il ne suffirait plus de réduire les émissions de CO₂ à zéro net pour stopper la hausse globale des températures. L'élimination du CO₂ deviendrait ainsi plus importante.

Les auteurs suggèrent que le réchauffement déjà provoqué pourrait créer une boucle de rétroaction dans laquelle les températures élevées et la sécheresse affaiblissent de plus en plus l'absorption de CO2 par les forêts et autres puits.

Les émissions dues aux incendies de forêt, aux parasites et aux tempêtes sont définis comme des émissions "non directement causées par l'homme" et ne figurent donc pas non plus dans les inventaires nationaux des gaz à effet de serre. Ainsi, les émissions globales sont nettement sous-estimées. En réalité, ces émissions devraient être comptabilisées, car les incendies criminels, la mauvaise gestion des forêts et le changement climatique sont directement dus à l'homme.

Nous savons que les forêts sont vitales pour notre survie et aussi pour la lutte contre le changement climatique. Elles absorbent le CO2, stockent l'humidité et assurent le refroidissement. Mais la manière exacte dont les forêts interagissent avec le climat est complexe. Une nouvelle étude publiée dans Nature le montre : les arbres abritent dans leur écorce des microbes qui éliminent le méthane de l'air. Cela augmente le bénéfice climatique des arbres de 10% en moyenne. Toutes ces nouvelles études renforcent une fois de plus le fait que la protection des forêts est l'une des mesures les plus importantes pour la protection du climat.

Remarque à ce sujet de Cyrill Brunner via LinkedIn : les puits de CO₂ naturels et l'élimination du CO₂ décrits ci-dessus ne sont pas la même chose. Pour le zéro carbone, seul ce dernier peut être pris en compte. Les puits de CO₂ naturels absorbent le CO₂ de l'atmosphère sans intervention humaine, par exemple une forêt naturelle, des prairies ou des océans. Les stratégies d’élimintation du CO2 sont des actions humaines visant à retirer le CO₂ de l'atmosphère et à le stocker de manière permanente, par exemple à travers le reboisement, la création d'humus, le charbon végétal ou la bioénergie avec CSC à partir de biomasse cultivée de manière durable, l'altération accélérée, le retrait direct de l'air et le stockage.

Nouvelles de la science du climat

La Terre franchit des limites planétaires sûres

La Terre se trouve déjà en dehors de la marge de manœuvre sûre pour l'humanité, et l'état des systèmes et processus terrestres qui soutiennent la vie se détériore rapidement. C'est ce que montre le nouveau Planetary Health Check Report 2024, réalisé sous la direction du Potsdam Institute for Climate Impact Research (PIK) par l'initiative "Planetary Boundaries Science".

Ces limites planétaires délimitent un espace d'action sûr dans lequel l'humanité peut s'épanouir tout en maintenant la stabilité et la résilience de la planète. Six limites ont déjà été franchies (voir graphique), mettant en péril la stabilité des systèmes de la Terre. La septième limite, l'acidification des océans, sera probablement bientôt franchie. Plus les émissions de CO2 augmentent, plus elles se dissolvent dans l'eau de mer, ce qui rend les océans plus acides. Même en cas de réduction rapide des émissions, l'acidification se poursuit en raison du CO2 déjà émis. Par conséquent, un dépassement du seuil d'acidification des océans semble inévitable dans les années à venir.

Le rapport montre clairement que nous ne pouvons pas considérer les neuf limites de manière isolée - elles sont étroitement liées. L'acidification des océans, par exemple, influence le changement climatique et est elle-même influencée par le changement climatique, avec des conséquences importantes pour l'intégrité de la biosphère (car elle entraîne l'effondrement des réseaux alimentaires). Les activités humaines ne font qu'accentuer cette évolution négative et amènent le système terrestre au bord de l'instabilité.

Le Planetary Health Check sera désormais publié chaque année, avec pour objectif de trouver des solutions pour mieux protéger nos bases vitales. Plus d'informations sur PlanetaryHealthCheck.org, Phys.org et PIK.

Nouveaux rapports de l'AIE et de l'IRENA

Le dernier World Energy Outlook 2024 de l'AIE montre que l'énergie solaire dépassera l'énergie nucléaire, l'énergie éolienne, l'énergie hydraulique, le gaz et finalement le charbon, pour devenir la plus grande source individuelle d'électricité au monde d'ici 2033. Ce boom de l'énergie solaire contribuera à inaugurer "l'ère de l'électricité" et à reléguer les combustibles fossiles au second plan, selon l'agence. D'ici 2030, le monde est en passe d'ajouter autant de nouvelles capacités d'électricité renouvelable que ce dont disposent actuellement la Chine, l'UE, l'Inde et les États-Unis réunis. En conséquence, les émissions mondiales de CO2 atteindront bientôt un pic, probablement dès 2025.

L'IRENA a publié un rapport complet sur le coût de l'électricité renouvelable sur toute sa durée de vie. Parce qu'elles sont les moins chères, les énergies solaire et éolienne représentaient en 2023 la plus grande part de la nouvelle capacité électrique installée, soit 95%. On constate également une baisse drastique des coûts des nouvelles capacités de stockage.

Malgré ces changements positifs, le monde est en passe de réduire les émissions de CO2 de seulement 4% d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 2023, ce qui entraînera un réchauffement de 2,4°C par rapport aux températures préindustrielles.

Quels instruments politiques créent des points de bascule positifs ?

Des économistes et des spécialistes de l'environnement ont utilisé des données provenant de 70 pays pour déterminer les instruments politiques les plus à même de promouvoir la décarbonisation. Dans leur étude, ils soulignent que la réglementation est la plus efficace pour déclencher des "points de bascule positifs". Une fois que certains secteurs industriels sont obligés de se décarboniser, un effet en cascade se produit : l'utilisation accrue d'électricité renouvelable ou de stockage d'énergie dans un secteur stimule l'innovation et réduit les coûts de ces technologies, ce qui permet des changements plus rapides dans d'autres secteurs. Les auteurs soulignent donc que la réglementation fonctionne mieux que les taxes ou les subventions. Plus d'informations dans le Guardian.

Une autre étude publiée dans Science souligne l'importance de ces instruments de tarification. Les chercheurs ont évalué 1500 mesures climatiques mises en œuvre au cours des 25 dernières années et ont identifié les 63 mesures les plus efficaces. L'intégration d'incitations fiscales et de prix est essentielle pour obtenir une combinaison de politiques bien conçue. En Suède, par exemple, dans le secteur du bâtiment, une combinaison de tarification du CO2 et de programmes de soutien à la rénovation a permis de réduire les émissions avec succès. Les deux études s'accordent à dire qu'une bonne combinaison d'instruments politiques est nécessaire. Par exemple, la fermeture des centrales à charbon au Royaume-Uni a été couronnée de succès parce qu'elle était accompagnée d'un prix minimum pour le CO2, tandis qu'en Norvège, l'interdiction des véhicules à moteur à combustion a été la plus efficace lorsqu'elle a été combinée avec des subventions qui ont rendu les voitures électriques moins chères. Plus d'informations sur klimareporter.de.

Une autre étude montre que lorsque les véhicules très polluants sont bannis des villes, les enfants se rendent plus souvent à l'école à vélo ou à pied. En 2019, Londres a introduit une "zone à très faibles émissions" dans le centre-ville. Après l'entrée en vigueur des restrictions, deux enfants sur cinq ont changé leur façon de se rendre à l'école. La zone a depuis été étendue à l'ensemble de la ville. Plus sur Grist.

Actif contre le désespoir

Pour une meilleure communication sur le climat

La charte de Graz veut nous aider à mieux communiquer sur la crise climatique. Elle est conçue comme une orientation pour les responsables de la protection du climat dans les communes, tout comme pour les spécialistes de la recherche climatique, les expertes en transport ou les installateurs qui parlent à leurs clients de nouveaux systèmes de chauffage. "La nouvelle communication climatique active les gens et les motive à agir. L'objectif est d'obtenir des changements tant au niveau de la société qu'au niveau personnel", peut-on lire dans la charte. Plus d'informations sur Klimafakten.de. 

Agir contre l'augmentation du trafic

Contribuer activement à la protection du climat permet de lutter contre le désespoir. Le vote sur l'extension du réseau autoroutier sera serré : chaque voix contre est importante. Le vote aura lieu le 24 novembre. Voici encore une fois les arguments les plus importants pour convaincre votre famille et vos amis :

Plus de routes = plus de trafic

Toute route supplémentaire entraîne une augmentation du trafic, ce que confirment d'innombrables études et expériences dans le monde entier. Les projets d'autoroutes prévus aboutissent tous dans des villes. Le trafic automobile supplémentaire n'a pas sa place. L'élargissement des voies de circulation sur l'autoroute et le trafic supplémentaire qui en résultera ne feront qu'accentuer cet effet d'entonnoir.

Coûte trop cher

Les projets sur lesquels nous votons actuellement coûtent à eux seuls 5,3 milliards de francs. Les coûts d'entretien ne sont pas encore inclus. Au total, le Conseil fédéral prévoit de dépenser 35 milliards de francs pour l'extension des autoroutes. En revanche, des économies sont prévues dans les transports publics. Ainsi, le Conseil fédéral supprime 77 millions de francs de subventions pour les trains de nuit ainsi que pour les bus et les bateaux électriques. Depuis 1990, les prix des transports publics ont doublé, alors que ceux de la voiture n'ont guère augmenté.

En contradiction avec l'objectif climatique

La Suisse veut réduire ses émissions de transport de 100% d'ici 2050. Le développement des autoroutes est en contradiction avec ces objectifs. Dans son rapport sur l'extension des autoroutes, le Conseil fédéral admet en effet sans ambages que cela entraînera une augmentation des émissions de CO₂.

Sur Umverkehr, tu trouveras encore plus d'arguments contre le développement des autoroutes.