Journal du climat

octobre 2022

Tous les deux mois, nous classons tout ce qui est important en matière de politique et de science. Pour les personnes qui souhaitent se tenir au courant des discussions sur la crise climatique.

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Suisse

Le Parlement approuve le contre-projet à l'initiative sur les glaciers

Le Conseil national et le Conseil des Etats se sont prononcés en faveur du contre-projet indirect à l'initiative sur les glaciers. Celui-ci reprend la revendication principale de l'initiative populaire : D'ici 2050, la Suisse doit progressivement atteindre la neutralité climatique, et ce autant que possible par la réduction des émissions de gaz à effet de serre à l'intérieur du pays. D'ici 2040, les émissions doivent être réduites de 75% par rapport à 1990. Le comité d'initiative a décidé de retirer l'initiative sur les glaciers. Cette décision est motivée par le fait que la proposition de compromis permet de protéger efficacement et rapidement le climat en Suisse. Un portrait de Sophie Würst, co-directrice de campagne de l'Initiative des glaciers, dans le Tages-Anzeiger.

Pour atteindre l'objectif climatique, le contre-projet indirect (dont le nom officiel est "Loi fédérale sur les objectifs de la protection du climat, l'innovation et le renforcement de la sécurité énergétique") ancrera 2 milliards de CHF pour le remplacement des chauffages à combustibles fossiles et 1,2 milliard de CHF pour la promotion des nouvelles technologies. A l'exception de l'UDC, tous les partis ont soutenu le contre-projet. L'UDC a déjà annoncé qu'elle lancerait un référendum. De nombreuses associations et organisations saluent le contre-projet indirect, notamment swisscleantech et la Fondation suisse de l'énergie. Plus d'informations dans la NZZ (paywall), l'Aargauer Zeitung et le Tages-Anzeiger.

Le Conseil fédéral ne veut pas faire d'ombre à la loi sur le CO2

Le Conseil fédéral a adopté le message relatif à la révision de la loi sur le CO2. Celle-ci doit permettre de réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 et d'atteindre l'objectif climatique fixé pour 2030.  Les émissions doivent en outre être inférieures d'au moins 35% à leur niveau de 1990 en moyenne pour les années 2021-2030. La réduction doit se faire pour deux tiers en Suisse et pour un tiers avec des projets de protection du climat à l'étranger. La loi se rattache à l'actuelle loi sur le CO2 , qui a été prolongée par le Parlement jusqu'en 2024, et comprend des mesures pour 2025 à 2030. Comme on le savait déjà depuis longtemps, le projet ne prévoit pas d'augmentation des taxes sur le pétrole et le gaz ni de nouvelles taxes sur l'essence et les billets d'avion. Le gouvernement veut ainsi éviter que la loi ne soit rejetée une deuxième fois par le peuple si un référendum devait à nouveau être lancé contre elle.

Comme la taxe sur le CO2 n'augmentera pas (120 CHF inchangés) et que le Conseil fédéral veut néanmoins consacrer davantage de moyens à la protection du climat dans le domaine du bâtiment (2,8 milliards de CHF au total), seule la moitié de la taxe prélevée en tant qu'impôt d'incitation sera à l'avenir reversée à la population et à l'économie. Jusqu'à présent, il s'agissait de deux tiers. Pour le secteur des transports, 800 millions de CHF sont prévus (entre autres pour le développement de l'infrastructure de recharge pour les voitures électriques et l'acquisition de bus électriques dans les transports publics). Dans le secteur aérien, il est prévu d'introduire - sur le modèle de l'UE - des quotas de mélange (part minimale de carburant durable pour le trafic aérien au départ de la Suisse) ; dans l'UE, cette part passera à 5% d'ici 2030. Plus d'informations dans le Tages-Anzeiger (paywall) et la NZZ (paywall).

L'association économique swisscleantech critique la proposition du Conseil fédéral de réduire la redistribution (d'environ 88 CHF à 68 CHF). L'effet incitatif de la taxe devrait plutôt être renforcé. Le professeur de droit René Wiederkehr de l'université de Lucerne estime qu'il serait anticonstitutionnel de réduire la redistribution à la population (NZZ, paywall).

Comment la Suisse peut-elle atteindre l'objectif zéro net d'ici 2050 ?

Un approvisionnement énergétique sûr en Suisse, avec des émissions nettes de gaz à effet de serre nulles, est réalisable d'ici 2050 grâce à une approche coordonnée de tous les secteurs énergétiques. C'est la conclusion d'une étude des Académies suisses des sciences. Elle se base sur un fort développement de la production d'électricité renouvelable en Suisse et sur l'importation future de combustibles et carburants synthétiques. L'étude présente des points de départ concrets. Selon les auteurs, les économies réalisées par les consommateurs et l'amélioration de l'efficacité sont essentielles. Il s'agit notamment d'isoler l'enveloppe des bâtiments, d'installer des pompes à chaleur et de limiter l'utilisation de véhicules privés surdimensionnés et dotés de moteurs puissants. Le retrait de l'atmosphère d'environ 3 millions de tonnes de CO2 (7% des émissions actuelles de gaz à effet de serre) serait également nécessaire pour atteindre les objectifs climatiques. Plus d'informations dans le Tages-Anzeiger.

Le Parlement veut développer les énergies renouvelables - au détriment de l'environnement

Lors de la session d'automne, le débat sur l'approvisionnement futur en électricité a été au centre des discussions. Il s'agissait avant tout de développer les énergies renouvelables à court terme, par crainte d'une éventuelle pénurie en hiver. Les commissions de l'environnement, de l'aménagement du territoire et de l'énergie du Conseil national et du Conseil des États ont provoqué de vives réactions en proposant de restreindre fortement la protection de la nature et de l'environnement à cette occasion. Lors de l'élimination des divergences, une partie des modifications ont été affaiblies. Articles de synthèse et classement des différentes interventions dans la NZZ (paywall), la Republik, le Zeit et l'Wochenzeitung.

Avant de résumer le débat, voici une autre façon de garantir l'approvisionnement en électricité, plus respectueuse de l'environnement : l'amélioration de l'efficacité. Selon un rapport de l'Office fédéral de l'énergie, 25 à 40% de la consommation d'électricité pourraient être réduits d'ici 2030, sans perte de confort et sans législation plus stricte. Pour exploiter ce potentiel, les ménages, les entreprises et les communes sont appelés à agir. Ils devraient remplacer les appareils obsolètes par ceux de la dernière génération et les équiper de capteurs et de commandes intelligentes. Plus d'informations dans le Tages-Anzeiger (paywall).

Loi fédérale urgente pour le développement de l'énergie solaire : lors de la session d'automne, le Conseil national et le Conseil des Etats ont adopté une loi fédérale urgente pour le développement de l'énergie solaire ("Loi sur des mesures urgentes visant à garantir à court terme un approvisionnement sûr en électricité en hiver"). Cette "offensive solaire" doit permettre d'augmenter la production d'électricité en hiver de 2 térawattheures (TWh) d'ici 2025 - à titre de comparaison : en 2021, la Suisse a produit 5 TWh d'électricité à partir d'énergies renouvelables (sans compter l'énergie hydraulique). Les exigences légales en matière de protection de la nature et de l'environnement sont assouplies. Concrètement, la loi prévoit des procédures d'autorisation fortement allégées pour les grandes installations solaires alpines : L'obligation de procédure de planification est supprimée, la loi sur l'aménagement du territoire est contournée. En revanche, aucune installation au sol ne peut être construite dans des zones protégées de grande valeur (sites marécageux, biotopes d'importance nationale et réserves d'oiseaux d'eau et de migrateurs) (c'est ce qu'avait proposé le Conseil des Etats).

L'énergie solaire est obligatoire pour les nouvelles constructions d'une superficie supérieure à 300 mètres carrés. La plupart des maisons individuelles en sont toutefois exclues. Le Conseil des États souhaitait un seuil plus bas afin d'inclure également les petites constructions. En effet, des opportunités sont manquées dans les nouvelles constructions : en 2020, sur 12 000 bâtiments nouvellement construits, seuls 3 000 ont été équipés d'installations photovoltaïques. Une obligation d'installer des panneaux solaires dans les bâtiments existants, qui serait bien plus efficace, a également été rejetée par le Parlement. En revanche, les cantons veulent introduire une telle obligation, comme le rapporte le Tages-Anzeiger (paywall). Dans les modèles de prescriptions prévus par les cantons dans le domaine du bâtiment, l'obligation d'utiliser l'énergie solaire devrait être prescrite par exemple lors de la rénovation des toits.

La loi fédérale urgente assouplit en outre les exigences légales pour le rehaussement du barrage du Grimsel.

Alain Griffel,  professeur de droit public et administratif à l'Université de Zurich, explique dans le Tages-Anzeiger (paywall) pourquoi la loi n'est pas compatible avec la Constitution fédérale. L'Alliance-Environnement, dont font partie Greenpeace, Pro Natura, l'ATE et le WWF, salue le développement de la production d'électricité renouvelable en hiver. Elle estime toutefois que les concessions faites en matière de protection de la nature et d'aménagement du territoire sont "très problématiques".

La loi fédérale doit entrer en vigueur dès le 1er octobre. Un référendum peut être lancé contre cette loi. Plus d'informations dans l'Aargauer Zeitung, la SRF, la NZZ (paywall, ici et ici) et le Tages-Anzeiger.

Loi fédérale sur la sécurité de l'approvisionnement en électricité grâce aux énergies renouvelables : Le Conseil des Etats veut également faire des concessions en matière de protection de la nature et de l'environnement dans l'acte modificateur unique de la loi sur l'énergie et l'approvisionnement en électricité, qui traite de l'approvisionnement en électricité à long terme. Avec cette loi, la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables, sans compter l'énergie hydraulique, doit atteindre au moins 35 térawattheures en 2035, soit le double de ce que le Conseil fédéral avait proposé. Pour ce faire, le Conseil des États veut supprimer la protection absolue des biotopes d'importance nationale. Ainsi, des régions comme le Maderanertal, le Val Roseg ou la Greina pourront être utilisées pour des projets énergétiques. Les organisations environnementales avaient déjà critiqué les plans du Conseil des Etats et mis en garde contre une relâche de la protection de la nature. Le Conseil des Etats renonce en revanche à des mesures efficaces qui permettraient de réduire la consommation d'électricité. Ainsi, les chauffages électriques ne seront pas interdits. Cela permettrait d'économiser environ 2 TWh par an, soit autant que la production supplémentaire prévue par l'"offensive solaire". Le Conseil national examinera la loi lors de la prochaine session. Plus d'informations dans le Tages-Anzeiger.

Autres mesures pour garantir l'approvisionnement en électricité

Une centrale de réserve sera construite à Birr, dans le canton d'Argovie, comme l'a décidé le Conseil fédéral. Dès cet hiver, huit turbines à gaz mobiles devraient y être disponibles en tant que réserve pouvant être mise en service en cas de pénurie d'électricité. Les turbines peuvent fonctionner au gaz, mais aussi au pétrole ou à l'hydrogène, et fournissent au total environ 250 mégawatts. Cela correspond à un quart de la puissance de la centrale nucléaire de Leibstadt. Le contrat avec GE Gas Power dure jusqu'en avril 2026, pour un coût total de 470 millions de francs. Plus d'informations dans la NZZ (paywall) et dans l'Aargauer Zeitung.

En décidant de construire une centrale de réserve, le Conseil fédéral a abrogé le droit environnemental. Afin d'accélérer la construction, d'importantes dispositions de la loi sur l'aménagement du territoire et l'obligation de réaliser une étude d'impact sur l'environnement ont été abrogées pour une durée limitée. Des exceptions à la protection contre le bruit et à l'ordonnance sur la protection de l'air sont également nécessaires. Dans la NZZ, les professeurs de droit public zurichois Andreas Glaser (ici, paywall) et Giovanni Biaggini (ici, paywall ) critiquent la décision du Conseil fédéral. Le contrôle démocratique par le Parlement et le peuple est ainsi exclu. La Fondation suisse de l'énergie estime que les centrales de réserve sont judicieuses.  Les centrales fossiles ne devraient toutefois être utilisées qu'en dernier recours. Les réserves renouvelables, par exemple dans les lacs d'accumulation, doivent être privilégiées par rapport aux centrales fossiles.

Le Conseil fédéral a par ailleurs décidé de réduire le débit résiduel de certaines centrales hydroélectriques. De début octobre 2022 à fin avril 2023, 45 centrales au total pourront descendre en dessous de cette valeur, pourtant importante pour la biodiversité. La migration des poissons sera ainsi limitée durant cette période, ce qui compliquera la reproduction de la population piscicole. En 1992, ces centrales s'étaient engagées à fournir des débits résiduels supérieurs à ceux prescrits par la loi pour des raisons écologiques. Aujourd'hui, la redevance est réduite à la quantité minimale nécessaire. Le Conseil fédéral prévoit ainsi une augmentation de la production d'électricité de 150 GWh au maximum, ce qui correspond à la production annuelle d'électricité d'une des centrales au fil de l'Aar. Plus d'informations dans l'Aargauer Zeitung.

Depuis fin août circule la campagne d'économie d'énergie "L'énergie est rare. Ne la gaspillons pas". Elle vise à réduire la consommation d'électricité et de gaz. Les chiffres actuels de la consommation en Suisse, datant de fin septembre, ne montrent toutefois pas d'effet d'économie sur la consommation d'électricité jusqu'à présent. Plus d'informations à ce sujet dans la NZZ et le Tages-Anzeiger.

Mesures visant à garantir l'approvisionnement en gaz

Le Conseil fédéral espère que des mesures volontaires permettront de réduire de 15% la consommation de gaz en Suisse - il rejoint ainsi l'objectif d'économie de l'UE. Il recommande que les installations dites bicombustibles (turbines et brûleurs pouvant fonctionner au gaz et au mazout) soient converties au mazout à partir du 1er octobre 2022. Comme ces installations émettent une plus grande quantité de polluants lorsqu'elles fonctionnent au mazout, les valeurs limites de l'ordonnance sur la protection de l'air seront adaptées, notamment pour les oxydes d'azote. Parallèlement, le Conseil fédéral a libéré des réserves obligatoires pour l'essence, le diesel, le mazout et le kérosène. En outre, le Conseil fédéral a fixé d'autres principes pour faire face à la menace d'une pénurie de gaz : Appels à l'économie pour la population, restrictions de consommation et interdictions de certaines utilisations (entre autres, limitation de la température ambiante à 19 degrés et interdiction de chauffer les piscines ou les saunas). La dernière étape est le contingentement (à l'exception des ménages et des services sociaux de base comme les hôpitaux). Aucune mesure de rigueur n'est pour l'instant prévue pour le transport motorisé, bien que ce secteur soit le plus gourmand en énergie fossile. L'Association suisse des transports veut changer cela et demande une vitesse maximale de 100 km/h sur les autoroutes suisses. Plus d'informations dans la NZZ (paywall) et l'Aargauer Zeitung.

Plus d'actualités sur le développement des énergies renouvelables

Le Conseil des Etats veut rétribuer plus généreusement l'électricité solaire et a approuvé l'introduction d'un tarif unique pour toute la Suisse. Les rétributions seront ensuite adaptées tous les trimestres au prix du marché. Parallèlement, il est prévu que le Conseil fédéral fixe une limite inférieure et une limite supérieure pour le tarif unique. La rétribution minimale doit être fixée de manière à ce que les propriétaires d'installations photovoltaïques puissent couvrir leurs frais. La valeur maximale doit être fixée au double. Aujourd'hui, les rétributions des gestionnaires de réseau locaux diffèrent énormément et sont parfois inférieures aux coûts de revient. Plus d'informations dans la NZZ (paywall).

Le potentiel d'énergie éolienne en Suisse est bien plus élevé que ce que l'on pensait jusqu'à présent. C'est ce que montre une étude réalisée par Meteotest à la demande de l'Office fédéral de l'énergie. En Suisse, 29,5 térawattheures (TWh) d'électricité pourraient être produits chaque année à partir de l'énergie éolienne, dont 19 TWh rien que pendant le semestre d'hiver. Si 30% du potentiel utilisable était exploité, ce qui correspond à environ 1000 installations éoliennes, la Suisse pourrait produire 8,9 TWh d'électricité éolienne par an, dont 5,7 TWh en hiver. En 2021, le potentiel n'était estimé qu'à 3,7 TWh par an. Cette nette augmentation s'explique d'une part par le développement technique (les éoliennes actuelles sont beaucoup plus grandes et peuvent produire plus d'électricité). D'autre part, de nouvelles régions peuvent être exploitées, car les éoliennes peuvent désormais être installées en forêt et dans des zones protégées (paysages et monuments naturels d'importance nationale, mais pas dans des biotopes). Cela a été rendu possible par une modification de la loi sur l'énergie : depuis 2017, les parcs éoliens d'une certaine taille sont considérés comme étant d'intérêt national.

Le potentiel du photovoltaïque sur les murs antibruit le long des routes nationales est estimé à 55 GWh par an. Afin de l'exploiter le plus rapidement possible, l'Office fédéral des routes met gratuitement les surfaces à disposition et lance à cet effet une procédure de candidature. L'accent est mis sur environ 350 parois antibruit et 100 aires de repos. Les entreprises intéressées peuvent déposer leur candidature jusqu'en février 2023.

La Nagra veut stocker définitivement les déchets radioactifs dans le Lägern

Cela fait exactement 50 ans que l'on cherche en Suisse un dépôt final pour les déchets radioactifs. La Nagra (Société coopérative nationale pour le stockage des déchets radioactifs) vient de prendre la décision tant attendue sur le site du dépôt en couches géologiques profondes (ici le dossier de presse de la Nagra). Le dépôt en profondeur pour déchets radioactifs doit être construit dans la région d'implantation du nord de la Lägern (cantons d'Argovie et de Zurich, près de la frontière allemande). L'autorité est d'avis que le sous-sol géologique (argile à Opalinus) y offre le plus grand effet de barrière géologique par rapport aux régions Jura Est (Bözberg) et Zurich Nord-Est (Weinland). Les demandes d'autorisation générale devraient être déposées dans environ deux ans. La décision définitive devrait intervenir d'ici la fin des années 2020. Le dépôt final pourra ­être mis en service au plus tôt à partir de 2050.

Dans le Tages-Anzeiger, le géologue Marcos Buser s'exprime de manière critique sur la sélection et doute que le site soit approprié. Pour la Fondation suisse de l'énergie, la décision d'aujourd'hui arrive au mauvais moment. De nombreuses questions indépendantes du lieu ne sont pas encore résolues. Il manque des connaissances sur le concept de stockage, de barrière et de conteneur, ainsi qu'un plan de surveillance à long terme (au-delà de la période d'observation prévue de 50 ans) et un concept de récupération des déchets. Plus d'informations dans le Zeit, la NZZ (paywall) et le Tages-Anzeiger.

Nouvelles initiatives populaires sur le climat et l'énergie

La Jeunesse socialiste suisse (JS) veut introduire un impôt sur les successions et utiliser l'argent "pour lutter contre la crise climatique de manière socialement équitable et pour la restructuration de l'économie globale nécessaire à cet effet". C'est ce que demande l'initiative populaire lancée "pour un avenir". Le taux d'imposition sur les successions et les donations de personnes physiques serait de 50%, l'impôt n'étant prélevé qu'à partir d'une franchise de 50 millions de CHF. Les auteurs de l'initiative estiment que cela permettrait de disposer d'environ six milliards de CHF par an. Plus d'informations sur nau.ch.

L'association Energie-Club Suisse, présidée par la jeune politicienne UDC Vanessa Meury, a lancé une initiative populaire visant à supprimer l'interdiction de construire de nouvelles centrales nucléaires. La Fondation suisse de l'énergie critique cette démarche. La construction coûteuse de nouvelles centrales nucléaires se ferait au détriment du développement des énergies renouvelables. De plus, les nouvelles installations ne seraient pas opérationnelles avant 20-25 ans au plus tôt et ne pourraient pas contribuer à la sécurité d'approvisionnement d'ici là. Plus d'informations dans le Sonntagszeitung (paywall).

Bilan de l'été caniculaire

En Suisse, l'été 2022 a été le deuxième plus chaud depuis le début des mesures en 1864. Selon MétéoSuisse, la température estivale moyenne sur l'ensemble du pays a été de 2,3 °C supérieure à la moyenne des années 1991-2020. Seul l'été caniculaire de 2003 a été encore plus chaud avec 3 °C. Par rapport à la moyenne des années 1961-1990, l'été 2022 a été trop chaud de 4 °C. La chaleur a commencé inhabituellement tôt en juin, et un manque massif de pluie s'est en outre produit pendant une longue période. Dans le Tages-Anzeiger (paywall), une mise en perspective.

En 2022, les glaciers ont perdu plus de glace que jamais. Entre fin septembre 2021 et début octobre 2022, 3,1 kilomètres cubes de glace ont fondu, soit plus de 6% de leur volume, selon les glaciologues du réseau suisse de mesure des glaciers. Plusieurs petits glaciers ont disparu au cours des derniers mois , le Pizolgletscher (SG), le Vadret dal Corvatsch (GR) et le Schwarzbachfirn (UR). Les raisons de cette fonte importante des glaciers sont les suivantes : un hiver peu enneigé, la poussière du Sahara au printemps (qui diminue la réflexion de la lumière du soleil et favorise le réchauffement), plusieurs vagues de chaleur en été et peu de neige fraîche en montagne. Plus d'informations dans la NZZ (paywall) et nau.ch.

L'été caniculaire a fortement réchauffé de nombreux fleuves suisses. Dans le Rhin près de Bâle, la température de mi-mai à début septembre était généralement de 3 à 4 degrés supérieure à la moyenne à long terme. Des écarts similaires sont observés pour l'Aar, la Limmat et de nombreux lacs suisses. De petites rivières se sont complètement asséchées, plus que les années précédentes ; des pêches d'urgence ont été effectuées dans presque tous les cantons pour sauver les poissons. La revitalisation des cours d'eau et des débits résiduels suffisants permettent de lutter contre le réchauffement. Plus d'informations dans le Tages-Anzeiger et la Sonntagszeitung (paywall).

La chaleur est également associée à la surmortalité observée en été. De juin à fin août, 1600 personnes de plus que c’à quoi on pouvait s'attendre statistiquement sont décédées dans le seul groupe d'âge des plus de 65 ans. Parmi celles-ci, seule une petite partie concerne des maladies coronariennes, raison pour laquelle les spécialistes considèrent la chaleur comme une cause probable. Lors de l'été record de 2003, près de 1000 personnes de plus que d'habitude étaient décédées entre juin et août à cette période de l'année. Plus d'informations dans la NZZ (paywall).

L'été a été très peu pluvieux, surtout en Suisse romande et au Tessin. Mais l'évaporation a également augmenté, de sorte que les sols se sont asséchés jusque dans les couches profondes. L'EPF, qui mesure l'évaporation dans le nord-ouest de la Suisse depuis 1976, n'a jamais enregistré de valeurs aussi élevées que cet été. Plus d'informations dans le Tages-Anzeiger (paywall).

Holcim de l'île de Pari accusé de justice climatique

Les habitants de l'île indonésienne de Pari poursuivent le groupe cimentier suisse Holcim en justice en raison du réchauffement climatique. La production de ciment est responsable d'environ 8% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Lafarge Holcim est le deuxième plus grand producteur de ciment au monde et a généré en 2019 environ 1700 millions de tonnes de CO 2. Sur la petite île, l'élévation du niveau de la mer a déjà causé des dommages aux maisons, aux routes et aux commerces. Le point le plus élevé n'est qu'à trois mètres au-dessus du niveau de la mer. Les habitants exigent que Holcim réduise ses émissions de gaz à effet de serre et participe aux coûts des mesures de protection contre la montée du niveau de la mer à Pari. C'est la première fois qu'une entreprise suisse doit répondre juridiquement de son rôle dans le changement climatique. L'affaire est soutenue par plusieurs ONG. Pour en savoir plus, voir Watson et call for climate justice.

Décisions de la Confédération et des cantons en matière de climat

En Appenzell Rhodes-Extérieures, la loi révisée sur l'énergie a été approuvée par 61% des voix. Lors du remplacement d'un chauffage, il faudra à l'avenir utiliser au moins 20% d'énergies renouvelables. Pour la première fois, le lobby du pétrole a participé directement au processus politique : Les négociants en combustibles de Suisse orientale avaient - avec l'UDC - lancé un référendum contre la loi sur l'énergie. Plus d'informations dans l'Appenzeller Zeitung (paywall).

Le 1er septembre, la loi sur l'énergie est entrée en vigueur dans le canton de Zurich. Et l'on discute déjà de la suspension de l'interdiction d'installer des chauffages au mazout et au gaz, inscrite dans la loi : Le Grand Conseil a adopté une motion de l'UDC allant dans ce sens. L'UDC a justifié sa proposition par le fait qu'en cas de panne des chauffages au mazout, il ne serait pas possible d'installer assez rapidement une pompe à chaleur en raison des difficultés de livraison et que les chauffages électriques seraient utilisés à la place. Cela augmenterait encore les besoins en électricité. Le Conseil d'Etat zurichois prendra position sur la motion avant que le Parlement ne prenne une décision définitive. Plus d'informations dans la NZZ (paywall)      .

La ville de Lucerne doit aller de l'avant en matière de protection du climat. La population a approuvé la nouvelle stratégie énergétique et climatique. Selon cette stratégie, Lucerne ne devra plus émettre de gaz à effet de serre d'ici 2040, soit dix ans plus tôt que ce que prévoient la Confédération et le canton. Pour atteindre cet objectif, l'installation de nouveaux chauffages au mazout ou au gaz doit être interdite. A partir de 2040, plus aucun véhicule fonctionnant aux énergies fossiles ne sera autorisé. Plus d'informations sur SRF.

La Suisse a conclu de nouveaux accords climatiques - avec le Maroc, le Malawi et l'Uruguay. Les accords approuvés par le Conseil fédéral créent les conditions cadres pour les projets de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les réductions d'émissions obtenues peuvent être comptabilisées par la Suisse dans son objectif de réduction.

Le Conseil fédéral ne veut pas de banque climatique pour le moment. Il a rejeté les motions correspondantes qui demandaient que la Confédération mette en place sa propre banque pour investir dans des projets de protection du climat. Le Conseil fédéral veut d'abord procéder à une analyse coûts-avantages et clarifier d'autres questions en suspens. Tous les partis (à l'exception de l'UDC) avaient soutenu le projet qui prévoyait que la Confédération injecterait 100 à 200 millions de CHF de capital par an. Cela permettrait de déclencher des investissements de 10 milliards de CHF. Plus d'informations dans le Tages-Anzeiger.

Exposition littéraire sur le climat et ses changements au Strauhof de Zurich

La littérature a toujours parlé de l'homme et de l'environnement, de visions et de catastrophes. Avec la menace de la crise climatique, cette relation apparaît sous une nouvelle perspective. Le musée de la littérature Strauhof à Zurich veut la rendre visible et palpable à l'exposition "Climate Fiction" avec des histoires et des poèmes (jusqu'au 8 janvier 2023).

Politique climatique européenne

L'énergie solaire a le vent en poupe

L'Europe est confrontée à une crise énergétique d'une ampleur sans précédent. Mais il y a aussi de bonnes nouvelles : Dans l'UE, l'énergie solaire a fourni plus d'électricité que jamais au cours de l'été 2022. L'électricité solaire a permis d'éviter des importations de gaz naturel d'une valeur de 29 milliards d'euros. De mai à août, l'énergie solaire a représenté une part record de 12% de la production totale d'électricité de l'UE. L'été précédent, ce chiffre était encore de 9%. L'énergie solaire se place ainsi au même niveau que l'énergie éolienne et devant l'énergie hydraulique, mais toujours quatre points de pourcentage derrière l'énergie au charbon. Dans l'UE, la capacité solaire installée augmente de 15% chaque année. Cet été, les Pays-Bas ont produit près d'un quart de leur électricité à partir de l'énergie solaire, la part la plus élevée de l'UE. L'Allemagne (19%) et l'Espagne (17%) suivent de près. Pour en savoir plus, consultez Carbon Brief.

Paquets énergie et climat de l'UE

Dans le cadre des négociations Fit for 55, les membres du Parlement européen ont voté en septembre en faveur d'un objectif européen contraignant en matière d'efficacité énergétique de 14,5% et d'un objectif européen en matière d'énergies renouvelables de 45% pour 2030. Les groupes de défense du climat avaient demandé des objectifs nettement plus élevés, d'au moins 20% et 50% respectivement. Les objectifs doivent maintenant être approuvés par le Conseil de l'UE.

Au cours des prochains mois, les chefs d'État et de gouvernement négocieront également sur le secteur du gaz et la performance énergétique des bâtiments. La proposition de la Commission sur le thème "Économiser le gaz pour passer l'hiver en toute sécurité", approuvée par les ministres de l'Énergie, s'éloigne de la diversification de l'approvisionnement en gaz pour s'orienter vers une discussion sur la réduction de la consommation.

Un nouveau rapport de Climate Analytics montre que les objectifs climatiques actuels de l'UE (réduction de 55% des émissions de CO2 d'ici 2030) ne sont pas compatibles avec l'objectif de 1,5°C et que l'UE pourrait très bien, avec les bonnes mesures, réduire ses émissions de gaz à effet de serre à zéro net d'ici 2040. Un rapport d'Airclim montre les conséquences politiques de l'affaiblissement du budget CO en2- Europe.

L'Europe sacrifie ses dernières forêts primaires pour l'énergie du bois

Dans l'UE, la combustion du bois pour la production de chaleur et d'électricité est déclarée neutre en termes d'émissions de CO2 et est subventionnée. Lorsque l'UE a commencé à subventionner la combustion de la biomasse il y a plus de dix ans, l'espoir était que les ménages et les centrales électriques se détournent le plus rapidement possible du charbon et du gaz. Les copeaux et les pellets de bois ont été promus comme une possibilité de transformer les déchets de sciure en électricité verte. Ces subventions ont entraîné un marché en plein essor, si bien que le bois est aujourd'hui la plus grande source d'énergie renouvelable en Europe, avec une part de 60%, loin devant le vent et le soleil.

Mais la demande croissante de bois n'est pas seulement discutable du point de vue climatique (voir ici et ici), elle menace de décimer les dernières grandes forêts primaires d'Europe de l'Est. Entre-temps, des forêts entières sont défrichées et des arbres entiers sont déchiquetés et brûlés pour être ensuite commercialisés sous forme d'électricité ou de chaleur renouvelables.  Bien que le défrichement des forêts protégées européennes nécessite une évaluation de l'impact environnemental, celle-ci est souvent contournée. L'année dernière, la Cour des comptes européenne a tiré la sonnette d'alarme sur ces forêts prétendument protégées et a constaté que nombre d'entre elles étaient en mauvais état. En Hongrie, le gouvernement a abrogé le mois dernier les dispositions relatives à la protection de la nature afin de permettre un abattage accru des vieilles forêts. Les forêts de Finlande et d'Estonie, autrefois considérées comme d'importants puits de CO2 , sont aujourd'hui tellement déboisées qu'elles émettent désormais plus de CO2 qu'elles n'en absorbent.

La hausse des prix de l'énergie continue de faire grimper la demande de bois. Mais le chauffage au bois produit non seulement du CO2 , mais aussi des particules fines et d'autres polluants. En 2019, l'UE a enregistré plus de 300 000 décès prématurés dus à la pollution aux particules fines.

La législation européenne doit maintenant être renforcée et les subventions doivent être réduites. Seuls les déchets de bois comme la sciure devraient être considérés comme renouvelables et donc éligibles aux subventions. Mais de nombreux pays européens riches en forêts s'opposent à un tel durcissement.  On ne sait pas encore si l'UE durcira la législation. Plus d'informations dans le New York Times et FERN.

Politique climatique internationale

L'industrie financière devient-elle plus adaptée au climat ?

La Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFAZ) a été fondée en 2021 par l'ancien gouverneur de la banque centrale britannique Mark Carney, aujourd'hui envoyé spécial de l'ONU pour le climat et la finance. Environ 500 banques, compagnies d'assurance, fonds de pension, bourses et agences de notation, fournisseurs d'indices et sociétés d'audit sont membres de l'alliance. Ils gèrent 40% de l'ensemble des actifs financiers du monde et veulent ne plus émettre de gaz à effet de serre d'ici 2050. En Suisse, 15 établissements y participent, dont l'UBS, le Credit Suisse et Pictet.

La GFAZ vient de publier de nouvelles propositions de lignes directrices qui expliquent plus concrètement comment atteindre des objectifs nets zéro. Bien que des lignes directrices plus précises soient importantes, le renforcement des lignes directrices suscite désormais des résistances. Plusieurs des plus grandes banques de Wall Street, dont Morgan Stanley, Bank of America ou JP Morgan, envisagent publiquement de quitter la GFAZ. Les banques craignent que les exigences strictes de l'organisation ne les rendent juridiquement vulnérables.  Plus d'informations sur Bloomberg, Edie et le Tages Anzeiger (paywall).

De nombreuses organisations climatiques veulent demander des comptes au secteur financier.  Le WWF et 90 organisations cosignataires lancent un appel mondial aux banques centrales et aux autorités de surveillance des marchés financiers. Ces dernières doivent prendre en compte les risques financiers liés au réchauffement climatique et à la perte de biodiversité dans le cadre de leur mission principale.

Les investissements dans les énergies fossiles ont doublé

Malgré de nombreuses promesses sur le climat, le soutien public aux énergies fossiles a presque doublé dans 51 pays en 2021, passant de 362 milliards de dollars en 2020 à près de 700 milliards de dollars, selon le nouveau rapport de l'OCDE et de l'AIE. Parmi ces pays figurent le G20 et 33 autres grandes économies, qui représentent environ 85 % de l'approvisionnement énergétique mondial.

Les É-Us signent un accord international sur le climat

Pour la première fois depuis des décennies

, les États-Unis ont ratifié un accord international sur le climat : l'amendement de Kigali au protocole de Montréal, qui prévoit l'élimination progressive des HFC. Les HFC sont de puissants gaz à effet de serre qui peuvent être libérés par les systèmes de réfrigération et de climatisation. L'amendement de Kigali exige des pays qu'ils réduisent leur consommation de HFC de 85% en 15 ans. Cela permettrait de réduire le réchauffement global de 0,5°C. L'UE a ratifié l'accord en 2017, la Suisse en 2018.

Loi complète sur la santé, le climat et la fiscalité aux États-Unis

Le président américain Biden a signé une loi de lutte contre l'inflation visant à investir 370 milliards de dollars américains dans les énergies renouvelables et la protection du climat d'ici 2030. Ce paquet de lois doit permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre des Etats-Unis d'environ 40% d'ici 2030 par rapport à 2005. Actuellement, l'objectif est une réduction d'environ 30%. Mais la nouvelle loi ne suffit pas pour atteindre l'objectif climatique 2030 d'au moins 50% que le gouvernement a soumis dans le cadre de l'accord de Paris. Pour cela, il faut prendre beaucoup plus de mesures. Plus d'informations dans le New York Times (paywall) et Rhodium Group

Les documents internes des grandes entreprises pétrolières sont décevants

Dans le cadre d'une enquête de la Chambre des représentants américaine, de nombreux documents internes de grandes entreprises pétrolières ont été publiés. Bien que ces entreprises se soient entre-temps engagées publiquement en faveur de la protection du climat, les dossiers montrent une toute autre image. En 2019 encore, le responsable de la politique environnementale d'Exxon écrivait dans un mémo interne : "La référence à l'Accord de Paris doit être supprimée de la déclaration ... [car] établir un lien entre notre engagement et l'Accord de Paris pourrait conduire à une obligation potentielle de s'engager en faveur des objectifs de l'Accord de Paris". Chez Royal Dutch Shell, un courriel interne datant de 2020 indiquait que l'annonce de l'entreprise de s'engager sur la voie des émissions nettes zéro "n'a rien à voir avec nos plans d'affaires". " Plus dans le News York Times (paywall).

Les promesses climatiques de l'industrie aérienne sont totalement insuffisantes

Après avoir diminué pendant la pandémie, les émissions dues au transport aérien augmentent à nouveau de manière significative. C'est exactement le contraire de ce qui est nécessaire pour atteindre l'accord de Paris et les objectifs nets zéro. Le Climate Tracker a classé les objectifs climatiques de l'aviation comme très insuffisants. L'analyse montre que la plupart des objectifs climatiques internationaux ou nationaux pour l'aviation misent sur la compensation climatique et ne réduisent pas leurs propres émissions. Les émissions de l'aviation ne sont pas incluses dans les objectifs climatiques nationaux et sont donc de facto ignorées depuis plus de 20 ans. En 2018, seulement 1% de la population mondiale était responsable de 50% des émissions de gaz à effet de serre provenant de l'aviation.

Les fuites de gazoducs entraînent une forte augmentation du méthane

Les deux grands gazoducs fossiles de la mer Baltique, Nordstream 1 et Nordstream 2, ont été sabotés fin septembre et de grandes quantités de méthane s'en échappent. Nord Stream 1 a été fermé après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, mais il est toujours rempli de gaz naturel, composé à environ 90% de méthane. Il en va de même pour Nord Stream 2 : bien qu'il n'ait jamais été mis en service, il est rempli de gaz.

En tant que molécule, le méthane est un gaz à effet de serre beaucoup plus puissant que le CO2 , mais il se décompose aussi plus rapidement. Sur une période de 20 ans, il est donc environ 80 fois plus puissant, et sur une période de 100 ans, environ 20 fois plus puissant. Lorsque le méthane est converti en équivalents CO2 (CO2 e), l'horizon temporel généralement retenu est de 100 ans. Les estimations concernant la quantité de méthane qui s'échappera jusqu'à ce que les tubes soient vides divergent. L'agence fédérale allemande pour l'environnement estime que les fuites provoqueront 7,5 millions de tonnes de CO2e, ce qui correspond à environ 1 % des émissions annuelles de l'Allemagne. L'agence danoise de l'énergie estime que ce chiffre est presque deux fois plus élevé.

Il est d'ores et déjà clair que les bombardements ont provoqué les plus grandes fuites de gaz naturel jamais observées.  Bien qu'il s'agisse d'une quantité énorme, elle ne représente toutefois qu'environ 5% du méthane libéré chaque année par l'extraction de pétrole et de gaz naturel. Pour en savoir plus, consultez Nature et Zeit (paywall).

Première plainte climatique contre le gouvernement russe

En Russie, un groupe d'activistes et d'organisations a déposé la première plainte pour le climat. Ils demandent au gouvernement de prendre des mesures plus fortes contre la crise climatique et de respecter les objectifs climatiques de Paris. La Russie est le quatrième pays au monde à émettre le plus de gaz à effet de serre. En 2050, le pays prévoit encore d'émettre près de 2 milliards de tonnes de CO2 , soit autant que ce qu'il rejette aujourd'hui. Climate Tracker estime que les objectifs climatiques de la Russie sont très insuffisants. Plus d'informations dans le Guardian.

La crise climatique visible

La crise climatique alimente les famines

La faim extrême est étroitement liée à la crise climatique. Une nouvelle étude d'Oxfam a examiné dix des pires hotspots climatiques du monde, frappés par des sécheresses, des inondations, de fortes tempêtes et d'autres événements climatiques extrêmes. Elle montre que le nombre de personnes souffrant de la faim y a plus que doublé au cours des six dernières années.

L'étude identifie dix foyers de crise climatique - la Somalie, Haïti, Djibouti, le Kenya, le Niger, l'Afghanistan, le Guatemala, Madagascar, le Burkina Faso et le Zimbabwe. Aujourd'hui, 48 millions de personnes souffrent de la faim aiguë dans ces pays, et 18 millions d'entre elles sont proches de la famine.

La faim alimentée par la crise climatique est également une conséquence des inégalités mondiales. Ces pays ne sont responsables que de 0,1% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, mais ce sont eux qui en subissent le plus les conséquences tout en ayant le moins de ressources pour se protéger. A l'inverse, les pays industrialisés comme le G20 sont responsables de plus des trois quarts des émissions mondiales de CO2. Un coup d'œil sur les bénéfices des groupes d'énergie fossile met particulièrement en évidence l'injustice : ils se sont élevés en moyenne à 2,8 milliards de dollars par jour au cours des 50 dernières années. Cela signifie que les revenus de même pas 18 jours suffiraient à financer toute l'aide humanitaire nécessaire pour l'année 2022, selon l'ONU.

La croissance économique de l'Afrique est également nettement affaiblie par la crise climatique. Selon la Banque africaine de développement, le continent perd 5 à 15 % de sa croissance économique par habitant en raison des effets du changement climatique et fait face à un important déficit de financement climatique. Pour la période de 2020 à 2030, il manque encore 1,3 milliard de dollars de financement climatique pourtant promis par les nations les plus riches pour l'adaptation au climat. Selon un nouveau rapport de l'OMM sur l'Afrique, la crise climatique en Afrique déstabilisera des régions entières. Plus d'informations chez Oxfam, The Guardian, Reuters, WMO.

Un tiers du Pakistan inondé

Avec des rivières qui débordent, des crues soudaines et des lacs glaciaires en éruption, le Pakistan connaît les pires inondations de ce siècle. Au moins un tiers du pays est sous l'eau, environ 33 millions de personnes (50 millions selon des chiffres officieux) ont été déplacées et plus de 1500 personnes sont mortes. Un·e Pakistanais·e sur sept est touché·e, beaucoup doivent dormir à la belle étoile. 90% des récoltes ont été endommagées.

Plusieurs facteurs ont contribué à cet événement extrême, à commencer par de grandes vagues de chaleur et une mousson plus longue et plus forte. La crise climatique a provoqué les inondations, du moins en partie. Une étude montre que les précipitations dans les provinces du Sindh et du Baloutchistan ont été 75 % plus élevées par rapport à un monde qui ne se serait pas réchauffé de 1,2 °C. Les inondations ont été plus fréquentes dans les provinces de l'est de l'Inde et du Pakistan. Un système d'alerte précoce inefficace, une mauvaise gestion des catastrophes et l'instabilité politique ont également contribué à la catastrophe.

Le gouvernement pakistanais estime le coût de la reconstruction à plus de 10 milliards de dollars. La pénurie alimentaire qui s'annonce et l'exode massif attendu à l'intérieur du pays vont probablement faire grimper ce chiffre. Plus d'informations dans le New York Times (paywall), AP News, Nature. Collecte de fonds entre autres par la Chaîne du Bonheur, MSF

Un été extrême dans le monde entier

Il n'y a pas qu'au Pakistan que l'été a été marqué par des phénomènes météorologiques extrêmes :

Comment l'ouragan Ian est devenu si vite si grand

L'ouragan Ian a provoqué d'importantes inondations et des ravages en Floride. Selon les scientifiques, la mer chaude a contribué à renforcer l'ouragan de 67% en moins de 22 heures. L'eau dans les Caraïbes est environ 1 ℃ plus chaude que la moyenne historique. Il est difficile de déterminer l'impact du changement climatique sur la formation ou l'intensité d'une seule tempête. Mais dans l'ensemble, le réchauffement global rend les cyclones plus susceptibles de s'intensifier rapidement. Plus d'informations sur AP News.

Nouveau de la recherche sur le climat

CO2 concentration aussi élevée qu'il y a 4 millions d'années

La teneur en CO2 de l'atmosphère est aujourd'hui 50% plus élevée qu'à l'époque préindustrielle : l'observatoire du Mauna Loa à Hawaï a mesuré un pic de concentration de CO2 atmosphérique de 421 ppm (parties par million), une valeur qui n'a pas été atteinte depuis au moins 4 millions d'années.

Unis dans la science 2022

Chaque année, les grandes organisations de recherche (OMM, PNUE, GCP, UK Met Office, IPCC, UNDRR) résument les dernières connaissances scientifiques sur la crise climatique. A propos du rapport de cette année, le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a déclaré : "La nouvelle ampleur de ces catastrophes n'a rien de naturel. Elles sont le prix à payer pour l'addiction de l'humanité aux combustibles fossiles. " Le graphique résume les principales conclusions :

 

Les points de bascule mondiaux sont-ils déjà atteints ?

Une nouvelle étude publiée dans Science montre que même avec un réchauffement de 1,5 °C, des points de bascule climatiques pourraient être dépassés, notamment l'effondrement de la calotte glaciaire du Groenland et de la circulation océanique atlantique. Le Climate Action Tracker prévoit un réchauffement moyen de 1,8 °C si toutes les promesses climatiques mondiales actuelles sont tenues.

Les auteurs de l'étude mettent en garde contre le fait que la stabilité du climat, qui a duré dix mille ans au cours de l'Holocène, est peut-être déjà définitivement révolue. "Le danger se rapproche plus vite qu'on ne le pense", écrit le groupe de chercheurs, qui étudie depuis 2008 les risques de changements irréversibles et potentiellement abrupts - les éléments de basculement climatique.

Le co-auteur Johan Rockström, directeur de l'Institut de Potsdam pour la recherche sur l'impact climatique (PIK), estime que le danger représenté par les éléments de basculement climatique - le talon d'Achille du système terrestre - a été nettement sous-estimé jusqu'à présent. "A partir de 1,5 degré déjà, nous acceptons des risques énormes. [...] L'idée que si nous ne parvenons pas à atteindre 1,5 degré, alors ce sera deux degrés, est une dangereuse illusion." Les auteurs font référence à neuf éléments globaux qui sont en mesure de déstabiliser l'ensemble du système terrestre, ainsi qu'à sept autres éléments de basculement d'importance régionale.

L'écart entre les conclusions des scientifiques sur les effets que le point de basculement climatique risque d'avoir sur la société et l'état des connaissances des décideurs politiques est flagrant. C'est pourquoi les chercheurs ont organisé en septembre une conférence sur les points de basculement mondiaux dans le but d'améliorer la compréhension des points de basculement. En même temps, ils voulaient découvrir ce qu'il fallait faire pour déclencher des points de basculement sociaux positifs et déclencher ainsi les changements sociaux et économiques nécessaires pour éviter le pire. Plus d'informations dans le FAZ, Carbon Brief, et Climate Tippingpoint Info.

Ci-dessus un aperçu des éléments de basculement mondiaux et régionaux.

Les animaux marins menacés

Le réchauffement actuel et le manque d'oxygène qui en résulte dans les océans pourraient provoquer la plus grande extinction de la vie marine depuis 250 millions d'années, avertissent les scientifiques dans une nouvelle étude. Lors de l'extinction de masse à la fin du Permien, il y a environ 250-300 millions d'années, les chercheurs estiment que jusqu'à 90% des organismes marins ont disparu dans des océans surchauffés, acides et pauvres en oxygène. Pour en savoir plus, consultez Inside Climate News.

L'infrastructure fossile doit être démantelée à temps

Une grande partie des installations d'extraction de combustibles fossiles existantes devront être fermées prématurément si le réchauffement climatique doit être limité à 1,5 °C, révèle une nouvelle étude. Elle conclut que 40 % des installations existantes devront cesser prématurément leur production si l'on veut limiter le réchauffement à 1,5 °C avec une probabilité de 50 %.

Les énergies fossiles engendrent également d'énormes coûts de santé. Selon l'OMS, la pollution atmosphérique due aux combustibles fossiles est responsable de plus de 6,5 millions de décès par an. Une coalition de groupes de santé demande un "traité de non-prolifération" (comparable aux armes nucléaires) pour mettre fin à l'utilisation des combustibles fossiles dans le monde entier. Dans une lettre publique, ils demandent également l'arrêt immédiat de l'exploitation et de l'extraction de nouveaux combustibles fossiles. "La dépendance moderne aux combustibles fossiles n'est pas seulement un acte de vandalisme environnemental. Du point de vue de la santé, c'est un acte d'auto-sabotage", a déclaré Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l'OMS. L'OMS soutient cette initiative, en collaboration avec l'Alliance mondiale pour le climat et la santé, Physicians for Social Responsibility, Health Care Without Harm et d'autres groupes. Plus d'informations sur DW.

L'énergie propre pourrait permettre d'économiser des milliers de milliards de dollars

Une transition rapide vers des sources d'énergie propres permettrait d'économiser jusqu'à 12 000 milliards de dollars dans le monde, même sans tenir compte des avantages climatiques. Une étude montre que les coûts de l'énergie solaire et éolienne ont baissé plus que ce que prévoyaient les prévisions précédentes. Et les prix continueront à baisser rapidement - mais l'ampleur de cette baisse dépendra de la politique climatique agressive et de l'innovation technologique menées dans le monde. Les auteurs écrivent : ""Notre principale conclusion est que nous devons nous engager à fond dans la transition énergétique verte, car elle nous fera économiser de l'argent. "Plus d'informations sur la BBC.