Éditorial
Dans l'édition de juin du journal climatique, nous évoquons le oui clair à la loi sur l'électricité et les nouveaux conflits autour de sa mise en œuvre. Le centre-droit pousse les centrales nucléaires, le jugement des Aînées pour la protection du climat fait l'objet de débats enflammés, et trois nouvelles initiatives climatiques sont recommandées à être rejetées. En outre, la protection des espèces en Suisse continue d'être négligée et minimisée par l'OFEV.
Le financement climatique fait parler de lui au niveau international. Les pays riches déclarent tout simplement l'aide au développement existante et, de plus, une grande partie de l'argent retourne dans les pays d’origine. Mais il y a aussi des points positifs : les énergies renouvelables connaissent une croissance rapide, les émissions de la Chine diminuent et les émissions mondiales pourraient bientôt baisser. De plus, la politique climatique de l'Europe dans le secteur de l'industrie influence également la Chine. L'UE peut se targuer d'un bilan positif de son Green Deal. Mais là encore, il reste beaucoup à faire, car les plans climatiques des États membres de l'UE ne sont pas sur la bonne voie.
Pendant ce temps, la crise climatique se poursuit. Les records de température, les vagues de chaleur mortelles et les inondations à grande échelle se succèdent tout autour du globe. De nouvelles études le montrent : réduire les émissions serait six fois moins cher que d'accepter la crise climatique.
Suisse
Un oui clair à la loi sur l'électricité et aussitôt de nouveaux conflits
Le peuple suisse a clairement accepté la loi sur l'électricité avec 68,7% des voix. Tous les cantons ont approuvé le projet, contre lequel l'UDC et les défenseurs du paysage avaient lancé un référendum. Elle prévoit des objectifs contraignants pour le développement des énergies renouvelables d'ici 2035. Les prévisions de vote faites au préalable ont ainsi été légèrement dépassées. Plus d'informations dans le Tages-Anzeiger et sur SRF. Selon le sondage réalisé par le Tages-Anzeiger (paywall), les personnes de toutes les catégories de revenus ont clairement dit oui, y compris les partisans de tous les partis (à l'exception de l'UDC).
Les organisations environnementales telles que le WWF et la Fondation suisse de l'énergie ainsi que l'association professionnelle Swissolar se réjouissent de l'issue de la votation. Selon elles, cela va accélérer l'abandon des sources d'énergie fossiles.
Même si le résultat est clair, les idées sur les mesures qu’il faut maintenant prendre en matière de politique énergétique et climatique divergent fortement :
- Energie hydraulique : la loi sur l'électricité comprend 16 projets d'énergie hydraulique sur lesquels le secteur de l'énergie s'est mis d'accord avec quelques organisations environnementales. Les entreprises énergétiques et les politiciens bourgeois exigent que ces projets soient construits rapidement. Afin que cela ne soit pas retardé par des oppositions, le droit de recours des organisations environnementales doit être encore plus limité, demande l'association de gestion des eaux dans le Tages-Anzeiger. Le conseiller aux Etats du centre Beat Rieder demande la même chose dans la NZZ.
- Energie solaire et éolienne : le Parlement discute actuellement du décret dit d'accélération. Celui-ci doit permettre de remplacer d'ici 2025 l'Express solaire et l'Express éolien et de construire plus rapidement de grandes centrales pour les énergies renouvelables. Les Verts ont lancé la semaine dernière l'initiative solaire, qui exige l'installation de panneaux solaires lors de la construction ou de la transformation d'un bâtiment. L'électricité doit être produite là où elle est nécessaire.
- Nucléaire : bien que la loi sur l'électricité stipule que les énergies renouvelables doivent être développées, les partis bourgeois et une partie de l'économie lancent un débat sur les centrales nucléaires juste après la votation (plus d'informations à ce sujet dans le prochain paragraphe). Ainsi, l'association économique Economiesuisse veut que de grandes centrales électriques, y compris des centrales nucléaires, puissent être construites en Suisse (sur Linkedin, l'économiste et activiste Nick Beglinger critique vivement la position de l'association). Greenpeace, en revanche, exige que la centrale nucléaire de Beznau soit désormais arrêtée. La fondation pour l'énergie a lancé un appel au conseiller fédéral Rösti pour qu'il respecte la volonté de la population de sortir du nucléaire. La semaine suivant la votation, le Conseil national a rejeté un postulat de l'UDC selon lequel le Conseil fédéral aurait dû examiner de plus près la construction de centrales nucléaires. Plus d'informations dans le Tages-Anzeiger (paywall), la Wochenzeitung, la Handelszeitung et la NZZ.
Et le débat sur les centrales nucléaires reprend
En février, le Club Energie Suisse avait déposé l'initiative black-out "Du courant pour tous, tout le temps (stopper le black-out)". Elle vise à lever l'interdiction de construire de nouvelles centrales nucléaires, décidée par le peuple en 2017. Il faudra encore attendre un certain temps avant que l'initiative ne soit soumise au vote, mais les centrales nucléaires suscitent déjà d'intenses discussions. Les associations économiques et les partis bourgeois demandent de rendre l'énergie nucléaire possible (voir ci-dessus). Martin Neukom, conseiller d'Etat des Verts dans le canton de Zurich, a déclaré au Tages-Anzeiger (paywall) avant même la votation qu'il n'était pas nécessaire d'interdire les centrales nucléaires. Mais pour de toutes autres raisons : il estime que l'article de loi est superflu, car il est financièrement beaucoup trop risqué d'investir dans l'énergie nucléaire. Le président de la Conférence des directeurs cantonaux de l'énergie, Roberto Schmidt, ne voit absolument aucune raison de penser à de nouvelles centrales nucléaires. Dans une interview accordée à la NZZ, il a déclaré : "A court et moyen terme, aucune nouvelle centrale nucléaire ne peut être réalisée en Suisse". Et une nouvelle génération de réacteurs ne serait pas disponible. "Au lieu de nous disputer sur l'électricité nucléaire, nous devrions nous concentrer sur le développement des énergies renouvelables".
La population est divisée sur la question de savoir s'il faut relancer un débat sur la levée de l'interdiction de construire des centrales nucléaires : 49% sont favorables à un débat, 47% y sont opposés. C'est ce que révèle un sondage représentatif réalisé par gfs.bern sur mandat de l'Association des entreprises électriques suisses. La majorité des personnes interrogées est en outre d'accord avec l'orientation du Conseil fédéral visant à développer les énergies renouvelables afin d'atteindre la neutralité climatique d'ici 2050. Et plus de 70% sont d'accord pour que les centrales nucléaires existantes soient exploitées le plus longtemps possible. Plus d'informations dans le Tages-Anzeiger et la NZZ.
Le constat n'est pas nouveau : si la Suisse veut atteindre la neutralité climatique d'ici 2050, la production d'énergies non fossiles doit être considérablement développée. Une étude de l'EPF de Lausanne qui le démontre suscite néanmoins le débat. Elle part du principe que la consommation d'électricité sera nettement plus élevée, en supposant notamment que les économies d'énergie entraînent une augmentation de la consommation. La raison en serait un effet de rebond (l'énergie et l'argent économisés seraient consommés ailleurs). Et elle arrive à la conclusion que l'objectif climatique pourrait être atteint au meilleur prix avec de nouvelles centrales nucléaires (outre le développement de l'énergie éolienne et photovoltaïque, six grandes centrales nucléaires seraient nécessaires). L'étude reconnaît elle-même que la nouvelle génération de centrales nécessaires à cet effet n'en est qu'à une phase expérimentale.
Les critiques critiquent le fait que les (faibles) coûts de production de l'électricité nucléaire retenus dans l'étude ne reposent sur aucune base. Dans le Tages-Anzeiger (paywall), Andreas Züttel, l'un des auteurs de l'étude, exige que la Suisse soit totalement autosuffisante en énergie. Il y a deux ans encore, il avait demandé le contraire dans un communiqué de presse de la Confédération : "Nous devons donc abandonner l'idée que nous pouvons couvrir tous nos besoins énergétiques avec de l'énergie renouvelable produite en Suisse". Plus d'informations dans la Sonntagszeitung et la NZZ.
Seniors climatiques -Un jugement qui suscite un débat houleux
Les Aînées pour la protection du climat font leur entrée au cinéma. Dans le documentaire "Trop Chaud", qui pourra également être visionné en streaming à partir de novembre 2024, elles racontent comment le processus et le jugement ont eu lieu, et ce que signifie cette décision.
Le Parlement fédéral ne s'intéresse pas à cette histoire. Le Conseil national et le Conseil des Etats rejettent l'arrêt rendu début avril par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) à l'encontre de la Suisse (une mise en perspective par des spécialistes du climat, de la politique et du droit est à lire dans la République). Les deux chambres ont approuvé une déclaration de protestation. Dans celle-ci, ils critiquent "l'activisme judiciaire" de la CEDH et l'interprétation dynamique de la Convention européenne des droits de l'homme qui est cultivée depuis un certain temps. Le Conseil fédéral est appelé à informer le Comité des ministres du Conseil de l'Europe que la Suisse ne voit aucune raison de "donner suite" à l'arrêt. En d'autres termes, le jugement de Strasbourg ne doit pas être respecté. Pour en savoir plus, voir ici et ici dans le Tages-Anzeiger, ici et ici dans la NZZ ainsi que dans le Guardian. Auparavant, le conseiller fédéral Albert Rösti avait déjà critiqué le jugement. Le ministre de l’Environnement ne voit personnellement pas la nécessité d'agir davantage en matière de politique climatique, a-t-il déclaré dans une interview à la SRF.
La déclaration du Parlement, si elle n'a pas de portée juridique, a une valeur symbolique. Et elle pourrait influencer le Conseil fédéral, qui transmettra d'ici octobre son plan d'exécution de l'arrêt au Comité des ministres du Conseil de l'Europe. La décision des Chambres a suscité de nombreuses réactions négatives. Dans la NZZ, Jörg Paul Müller, professeur émérite de droit public, qualifie la déclaration de "violation impardonnable du droit reconnu par la Suisse et donc un coup porté au principe de la primauté du droit sur la politique". Selon lui, l'arrêt sur le climat est contraignant. L'organisation environnementale Greenpeace, qui a soutenu les aînées du climat, qualifie la déclaration d'"atteinte inadmissible à la séparation des pouvoirs". La République parle d'un "nouvel illibéralisme" et d'une "rupture de tabou politique". Pour le Tages-Anzeiger (paywall), il s'agit d'"un coup bas populiste sans précédent" qui nuit à l'Etat de droit.
Indépendamment du débat politique, le jugement de Strasbourg pourrait influencer les décisions de justice contre les activistes climatiques. Un pénaliste lausannois, qui représente plusieurs accusés dans des procédures pénales, est d'avis que le jugement devrait avoir des répercussions sur la jurisprudence suisse. "Si le Tribunal fédéral défend la position selon laquelle le changement climatique ne représente pas un danger et qu'il considère dans de nombreux cas comme illégales les protestations contre le manque de protection du climat, cette conception du droit et les jugements contre les activistes climatiques ne seront plus guère défendables devant la CEDH". Plus d'informations dans le Tages-Anzeiger (paywall). Et dans la NZZ, on peut lire que le jugement pourrait conduire à l'introduction d'un droit de recours des associations dans le domaine de la protection du climat. C'est ce qu'a montré Helen Keller, ancienne juge suisse à la CEDH, lors de l'audition devant la commission juridique du Conseil des Etats.
Non à trois initiatives sur le climat
Initiative pour un fonds climatique, initiative pour un avenir radieux et initiative sur la responsabilité environnementale - trois nouvelles propositions visant à agir plus rapidement et plus résolument contre le changement climatique ont été rejetées par le Conseil fédéral pour les deux premières, et par le Conseil national pour la dernière.
Le Conseil fédéral dit non à l'initiative populaire "Pour une politique énergétique et climatique équitable : investir pour la prospérité, l'emploi et l'environnement (initiative sur le fonds climatique)", déposée par le PS et les Verts. Les partis veulent obliger la Confédération à verser chaque année 0,5 à 1 % du produit intérieur brut dans un fonds. Cela rapporterait entre 3,9 et 7,8 milliards de CHF par an. La Confédération devrait ainsi soutenir, entre autres, des mesures visant à décarboniser les transports, les bâtiments et l'économie, à réduire la consommation d'énergie, à développer les énergies renouvelables et à renforcer la biodiversité. Le Conseil fédéral est d'avis que des moyens suffisants sont aujourd'hui disponibles pour le climat et la biodiversité.
Le Conseil fédéral rejette également l'initiative "Pour une politique climatique sociale financée par l'impôt (initiative pour un avenir radieux)" de la Jeunesse socialiste. Les initiants veulent introduire un impôt de 50% sur les successions et les donations à partir d'un montant exonéré de 50 millions de CHF. Les recettes annuelles de 6 à 7 milliards de CHF doivent être utilisées pour lutter contre la crise climatique de manière socialement équitable et pour restructurer l'ensemble de l'économie. Selon le Conseil fédéral, l'initiative crée de fausses incitations. Et il craint que l'introduction d'un impôt sur les successions pour les très grandes fortunes affaiblisse l'attractivité de la Suisse pour les personnes fortunées. La dernière votation sur un impôt fédéral sur les successions remonte à 2013. Celui-ci prévoyait une taxe de 10% sur les fortunes de plus de 2 millions de CHF, affectée à l'AVS. Il a été rejeté. Plus d'informations sur Watson, ici et ici sur SRF et dans la NZZ.
Les deux initiatives seront ensuite débattues par le Parlement. Une troisième intervention est déjà en discussion au Parlement : l'initiative pour la responsabilité environnementale des jeunes Verts. Ils demandent que la pollution de l'environnement en Suisse soit réduite dans un délai de dix ans de manière à respecter les limites planétaires définies scientifiquement. Cela concerne les domaines du climat, de la disparition des espèces, de la déforestation et de la pollution de l'air, de l'eau et des sols. Le Conseil national a rejeté l'intervention lors de la session d'été ; il a été renoncé à un contre-projet direct. Le Conseil des États sera le prochain à se pencher sur la question. La majorité du Conseil national est d'avis que l'initiative aurait des conséquences économiques et sociales extrêmes et qu'une mise en œuvre dans le délai de dix ans demandé n'est pas possible. Selon une étude du Conseil fédéral, l'empreinte par habitant devrait être réduite de plus de 90% par rapport à 2018 pour les gaz à effet de serre, de 70% pour la biodiversité et d'environ 50% pour l'azote. Plus d'informations sur SRF et dans la NZZ.
Moins de gaz à effet de serre et des approches de stockage
En 2022, les émissions de gaz à effet de serre en Suisse ont diminué de 3,5 millions de tonnes (7,8%) par rapport à l'année précédente, pour atteindre 41,6 millions de tonnes (calculées en équivalents CO2 ). Par rapport à 1990, les émissions étaient inférieures de 24%, comme le montre l'inventaire annuel des bâtiments à effet de serre de l'OFEV. Une baisse a surtout été observée dans le secteur du bâtiment. Cela est dû à un hiver exceptionnellement doux, qui a permis de brûler moins de gaz et de mazout. L'installation de pompes à chaleur a également porté ses fruits. Les émissions de l'industrie ont également baissé. L'installation d'un catalyseur au siège d'Arxada AG (anciennement Lonza AG) à Viège (afin que moins de gaz hilarant ne s'échappe), ainsi que les mesures recommandées par le Conseil fédéral durant l'hiver 2022/2023 pour économiser le gaz naturel ont notamment eu un impact. Plus d'informations sur Watson.
Les émissions dues aux transports sont restées pratiquement inchangées. Comme les émissions des bâtiments et de l'industrie sont en baisse, la part des transports a augmenté pour atteindre 33%. Dans l'agriculture, les émissions ont légèrement diminué ; elle est à l'origine de 16% des émissions nationales de gaz à effet de serre. La moitié de ces émissions est due à la production laitière. Dans la NZZ, on peut lire comment le projet "Klimastar Milch" vise à réduire l'empreinte CO2 du secteur. Le projet lancé par Nestlé et Emmi, deux des plus grands transformateurs de lait du pays, est soutenu par la Confédération. Il n'est toutefois pas prévu de réduire le nombre d'animaux.
Pour atteindre ses objectifs climatiques d'ici 2050, la Suisse cherche des moyens de stocker le CO2 . Selon les calculs actuels, cela représentera en 2050 environ 12 millions de tonnes par an (plus d'un quart des émissions actuelles de gaz à effet de serre), qui ne pourront pas être évitées. Dans la NZZ, on peut lire que la Suisse vise un accord avec la Norvège afin de pouvoir à l'avenir stocker du CO2 à grande échelle dans le fond marin au large des côtes norvégiennes. La technologie "Carbon capture and storage" (captage du CO2 à la source et stockage) nécessaire à cet effet n'est toutefois pas encore au point.
En Suisse aussi, la Confédération cherche des solutions pour stocker le CO2 . Cela doit être testé dans un ancien puits de forage de la Nagra à Trüllikon, dans le canton de Zurich, comme l'écrit le Tages-Anzeiger. Mais il faudra sans doute attendre encore 15 à 20 ans avant que le stockage ne soit disponible.
Les forêts suisses stockent également des gaz à effet de serre. L'hebdomadaire WOZ Die Wochenzeitung présente un rapport critique sur un projet de compensation à Davos/Prättigau. Des propriétaires forestiers y ont fait enregistrer plus de 13'000 hectares de forêt pour la compensation climatique, ce qui correspond à la surface des lacs de Zurich et de Bienne. La compagnie aérienne Swiss fait partie des acheteurs de certificats. Les spécialistes y voient surtout un potentiel de greenwashing. En effet, la performance des forêts en tant que puits de CO2 est déjà prise en compte par la Confédération dans l'obligation de réduire les émissions de CO2 . Ci-dessous, plus d'informations sur les pratiques et les technologies permettant d'éliminer le CO2 de l'air. L'association économique swisscleantech a publié une prise de position sur l'élimination du CO2 de l'atmosphère. Elle y demande qu'en cas d'émissions négatives, l'accent soit mis sur une gestion durable des forêts (charbon végétal ou produits durables à base de bois) ainsi que sur le captage lors de l'incinération des déchets et de la production de ciment. Parallèlement, le prix du CO2 pour toutes les émissions doit être augmenté de manière à couvrir les coûts externes.
Installations solaires : questions juridiques en suspens et potentiel accru
Actuellement, 48 projets solaires alpins sont en cours de planification, comme le montre une liste de l'Association des entreprises électriques suisses (dernière mise à jour 02.05.2024) ; en mars, il y en avait 47. Une demande de permis de construire a été déposée pour dix des installations prévues, comme le montre un aperçu de l'Office fédéral de l'énergie.
Quatre projets ont été autorisés par la première instance : "Vorab", "Nalps" et "Scharinas" dans le canton des Grisons ainsi que "Morgeten Solar" dans le canton de Berne. La Fondation pour la protection et l'aménagement du paysage, le Club alpin suisse et Mountain Wilderness ont déposé un recours auprès du Tribunal administratif bernois contre la décision prise dans le Simmental bernois. Au vu des nombreuses questions juridiques en suspens et de l'important effet de précédent, un examen judiciaire serait nécessaire pour clarifier le droit. Plus d'informations sur la SRF, le pv magazine, le Thuner Tagblatt et le Blick. Dans le Saanlenland, canton de Berne, les électeurs ont rejeté pour la deuxième fois le projet Solsarine, rapporte le Berner Zeitung.
Pour les installations solaires alpines qui fournissent au moins 10% de l'électricité au réseau d'ici fin 2025, la Confédération paie jusqu'à 60% des coûts. Mais même avec ces subventions, il n'est pas certain que ces installations soient rentables. SRF montre comment les coûts de construction élevés des projets alpins et les bas prix de l'électricité pèsent sur la facture.
Avant même la votation sur la loi sur l'électricité, le Conseil fédéral avait mis en consultation un projet d'ordonnance. Les tarifs minimaux qui y sont proposés inquiètent le secteur. Dans certains cas, le tarif garanti pourrait être de zéro centime par kilowattheure. L'association energie-wende-ja critique les tarifs minimaux trop bas. Plus d'informations dans le Berner Zeitung.
Bâle montre comment l'énergie solaire peut être développée sans installations au sol dans la nature. Le canton qui a l'objectif climatique le plus ambitieux de Suisse (zéro net d'ici 2037) veut étendre l'obligation d'installer des systèmes PV des bâtiments neufs aux bâtiments existants. Les propriétaires qui ne respectent pas cette obligation dans les 15 ans doivent payer une taxe de remplacement annuelle. Plus d'informations dans le Basler Zeitung. Dans le canton de Schaffhouse, une proposition similaire a été rejetée (voir Blick).
Que ce soit en montagne ou en ville : Les installations photovoltaïques profitent de l'augmentation constante du rayonnement solaire depuis 1980. MétéoSuisse montre comment, grâce à l'amélioration de la qualité de l'air et à la diminution des nuages, davantage d'énergie solaire atteint la surface de la terre. Mais cela signifie aussi qu'il fait de plus en plus chaud.
Opposition aux centrales de réserve
La consommation d'électricité en Suisse a baissé de 1,7% en 2023 pour atteindre 56,1 milliards de kilowattheures. L'Office fédéral de l'énergie ne donne toutefois pas les raisons de ce recul. Seuls les facteurs ayant un effet d'augmentation de la consommation sont mentionnés : La croissance économique et démographique ainsi que l'augmentation des besoins en chauffage par rapport à 2022.
Une analyse approfondie, qui sera publiée en octobre, devrait apporter des éclaircissements. Les raisons possibles sont l'augmentation des prix de l'électricité et les gains d'efficacité réalisés. Parallèlement, la production d'électricité a augmenté de 13,5% pour atteindre 72,1 milliards de kWh. Ce sont surtout les centrales hydroélectriques qui ont fourni plus d'énergie. En conséquence, la Suisse exporte 6,4 milliards de kWh d'électricité de plus qu'elle n'en importe : en 2022, c'était l'inverse, avec 3,4 milliards de kWh de plus importés qu'exportés.
Il n'est donc pas surprenant que la Commission fédérale de l'électricité considère la sécurité de l'approvisionnement en électricité comme "garantie". Le ministre de l’Énergie Alfred Rösti voit les choses différemment. Son département fait avancer la construction de plusieurs grandes centrales de réserve fossiles et a lancé un appel d'offres. L'Office fédéral de la justice s'y oppose désormais, écrit la NZZ. Les juristes estiment que le plan est anticonstitutionnel. L'appel d'offres n'aurait pas dû être lancé, car il n'y a pas de base juridique. En parallèle, des experts en énergie montrent dans la NZZ qu'il existe des alternatives moins chères et plus écologiques.
Ce n'est pas le premier revers pour Rösti : en février déjà, le Tribunal administratif fédéral avait décidé que le Conseil fédéral n'aurait pas dû accorder d'autorisation d'exploitation à la centrale de réserve de Birr. Le Conseil fédéral n'avait pas pu expliquer pourquoi il fallait s'attendre à une situation de pénurie d'électricité.
La Suisse a besoin de nouveaux scénarios
L'hiver dernier a été le plus chaud jamais mesuré en Suisse. Selon le bulletin climatique de MétéoSuisse, la température moyenne en hiver (de décembre 2023 à février 2024) a été de 0,9 °C, soit 2,2 fois plus que la moyenne des années 1991-1992. C'est 2,8 °C de plus que la moyenne des années 1991-2020. Les trois mois ont été trop chauds ; l'écart le plus important par rapport à la norme a été de 4,6 °C en février.
Le changement climatique n'entraîne pas seulement une hausse des températures, mais aussi une augmentation de la fréquence des précipitations extrêmes. Le laboratoire Mobiliar pour les risques naturels de l'université de Berne peut calculer les conséquences des dommages grâce à un nouvel outil. Il en ressort que si le niveau de l'eau monte, le potentiel de dommages augmente brusquement. Une augmentation de 10% du débit des cours d'eau par rapport à la valeur maximale actuelle entraîne une augmentation de 40% des dommages aux bâtiments en Suisse. Une augmentation de 20% du débit entraîne 80% de dommages supplémentaires. Plus d'informations à ce sujet dans le Tages-Anzeiger et la NZZ.
Comment le climat évolue-t-il en Suisse ? Quelles sont les conséquences prévisibles du changement climatique ? Les scénarios climatiques que MétéoSuisse élabore régulièrement depuis 2024 répondent à ces questions. Les prévisions futures ont été actualisées pour la dernière fois en 2018. De nouveaux scénarios (Climat CH2025) sont maintenant en préparation. Ils seront disponibles fin 2025 et mettront l'accent sur l'évolution des extrêmes climatiques. Au vu des changements importants déjà observés, des ajustements significatifs sont attendus. Pour en savoir plus, voir SRF. Le changement climatique entraîne également des changements sociaux, économiques et politiques. Le projet de recherche "Scénarios socio-économiques" du National Centre for Climate Services (NCCS) étudie ce que cela signifie pour la Suisse à horizon 2100. Pour en savoir plus, consultez Infras.
La Confédération a fait étudier l'impact des mesures de lutte contre le changement climatique sur les finances publiques. Le rapport "Perspectives à long terme des finances publiques de la Suisse 2024" part du principe que les mesures de protection du climat freineront la croissance économique, ce qui réduira les recettes publiques. L'étude présente toutefois un défaut majeur : elle néglige l'utilité des mesures de protection du climat, c'est-à-dire lorsque les dommages liés au climat peuvent être évités. Les spécialistes du climat sont convaincus qu'à long terme, les coûts de l'inaction sont six fois plus importants que les coûts des mesures prises, voir l'article ci-dessous. Plus d'informations dans le Tages-Anzeiger et la NZZ.
La protection des espèces est négligée et minimisée par l'OFEV
Le 22 septembre 2024, nous voterons sur l'initiative pour la biodiversité, déposée par des organisations de protection de la nature. Elle demande que la Confédération et les cantons consacrent davantage de surfaces et de moyens financiers à la sauvegarde de la biodiversité.
Le Parlement avait rejeté l'initiative et renoncé à un contre-projet. Au lieu de renforcer la protection des espèces, le Conseil national et le Conseil des Etats sont revenus sur une mesure déjà adoptée et ont supprimé des surfaces écologiques supplémentaires. Il y a trois ans, le Conseil fédéral et le Parlement avaient décidé que des ourlets et des bandes de plantes à fleurs et d'herbes sauvages seraient semés sur 3,5% des terres arables. Il s'agissait d'un élément important du paquet de mesures qui avait été ficelé juste avant la votation sur l'initiative sur les pesticides et l'initiative sur l'eau potable. Mais après le rejet des deux initiatives, le Parlement a cédé à la pression du lobby agricole et a reporté deux fois l'introduction des surfaces de promotion de la biodiversité. Aujourd'hui, la mesure a été entièrement supprimée. Plus d'informations dans le Blick, le Tages-Anzeiger (paywall) et la NZZ.
Les faits sont pourtant clairs : par rapport aux autres pays industrialisés, la Suisse présente le plus grand nombre d'espèces menacées et met sous protection la plus petite surface. Pourtant, le lobby paysan ainsi que l’OFEV appréhendent l'état de la biodiversité de manière beaucoup plus positive. La République montre comment cela est possible. Les rapports qui contiennent des faits désagréables sur la biodiversité sont "arrangés". C'est ce que montre la comparaison du rapport officiel "Effets du plan d'action biodiversité" avec les expertises internes et externes qui ont servi de base. Les adaptations ont été effectuées par l'état-major du conseiller fédéral UDC Albert Rösti, qui dirige l'OFEV depuis 2023. Les politiciens et les organisations environnementales critiquent vivement cette procédure.
Décisions de la Confédération et des cantons
Le 9 juin, plusieurs cantons ont voté sur des interventions relatives au climat et à l'énergie (l'aperçu des résultats dans le Baublatt) :
- Le canton d'Argovie dispose désormais d'un article sur le climat dans sa constitution. Le canton et les communes sont ainsi tenus de s'engager pour limiter le changement climatique. Il manque toutefois des mesures ou des objectifs concrets.
- Dans le canton de Bâle-Campagne, la révision de la loi cantonale sur l'énergie a été adoptée. Elle prévoit d'augmenter la part des énergies renouvelables dans la consommation totale hors mobilité à au moins 70% d'ici 2030.
- Schaffhouse a refusé l'introduction d'une obligation d'utiliser l'énergie solaire. Une installation solaire aurait dû être mise en place sur les bâtiments appropriés lors de nouvelles constructions ou de transformations.
- Dans le canton de Zoug, une initiative pour le vélo a été rejetée. Elle demandait un réseau cyclable sûr, direct et continu.
La Suisse ne participe plus au programme européen d'observation de la Terre Copernicus. C'est ce qu'a décidé le Conseil fédéral au vu de la "situation financière tendue de la Confédération". Copernicus rassemble de grandes quantités de données d'observation et fournit les bases de la recherche climatique. La Confédération espère que les spécialistes du climat continueront à avoir accès à ces données, même si la Suisse ne verse plus rien au programme. Les chercheurs suisses estiment que cette décision est à court terme et égoïste. Plus d'informations sur SRF.
Afin de rendre le vélo plus sûr et plus attrayant, de nombreux acteurs se sont réunis en Suisse. En font partie, outre les offices fédéraux, les cantons et les communes, les entreprises de transport, les fabricants de vélos, les entreprises, les associations et les hautes écoles. L'Office fédéral des routes a présenté la feuille de route vélo correspondante.
Politique climatique internationale
Financement: trop peu pour les pauvres, trop pour les riches
La plupart des pays trichent
Les pays industrialisés n'ont tenu leurs promesses d'allouer 100 milliards de dollars par an aux pays les plus pauvres que parce que, selon une nouvelle analyse de Carbon Brief, ils ont tout simplement requalifié des milliards de dollars d'aide au développement en "financement climatique". Cela vaut également pour la Suisse.
Des milliards retournent dans les pays riches
A cela s'ajoute le fait qu'une grande partie du financement climatique pour les pays en développement est retournée aux pays donateurs, comme le montre une recherche de Reuters. Plus de la moitié des financements climatiques ont été accordés sous forme de prêts, souvent assortis de taux d'intérêt élevés et d'autres conditions qui ramènent l'argent vers les pays donateurs.
Lors de la conférence de l'ONU sur le climat qui se tiendra à la fin de l'année à Bakou, les Etats devront se mettre d'accord sur un nouvel objectif global de financement climatique. Les pays riches comme la Suisse sont mis au défi. Deux reportages de SRF à ce sujet, ici et ici.
En outre, la France, le Kenya et la Barbade ont mis en place un groupe de travail chargé d'étudier comment combler le déficit de financement climatique pour les pays du Sud. Ces pays ont besoin d'investissements à hauteur de 2,4 milliards de dollars par an d'ici 2030. Le groupe de travail envisagera des taxes sur les super-riches, sur les billets d'avion, sur les transactions financières, sur la production de combustibles fossiles et sur les bénéfices élevés des entreprises qui produisent des combustibles fossiles.
Un impôt proposé pour les milliardaires
Depuis longtemps, les économistes progressistes demandent que les milliardaires soient davantage taxés. Le gouvernement brésilien assumant désormais la présidence du G20, le monde universitaire a mis ce sujet à l'ordre du jour politique. L'économiste français Gabriel Zucman élabore ainsi une proposition pour un tel "impôt sur les milliardaires". Celle-ci devrait être présentée aux ministres des Finances du G20 lors de leur réunion en juillet. Une telle taxe est également soutenue par la directrice du FMI, Kristalina Georgieva. Les ministres d'Allemagne, d'Afrique du Sud et d'Espagne ont signé avec le Brésil une lettre de soutien à la taxe. Les ministres soulignent qu'il faut des accords mondiaux et une coopération internationale pour que les milliardaires ne puissent pas simplement déplacer leur fortune vers des pays à faible fiscalité.
Actuellement, il y a environ 3 000 milliardaires dans le monde. Ils ne paient qu'environ 0,5 % de leur fortune au titre de l'impôt sur le revenu des personnes physiques. Un impôt de 2 % pourrait générer des recettes fiscales annuelles supplémentaires de 250 milliards de dollars à l'échelle mondiale, ce qui correspond à peu près aux dommages économiques causés par les phénomènes météorologiques extrêmes dans le monde l'année dernière. Pour en savoir plus, consultez le Guardian, Climate Change News et Heated.
La Chine et le financement climatique
La question de savoir si la Chine, en tant que pays en développement de plus en plus prospère, devrait également contribuer au financement climatique fait depuis longtemps l'objet d'un débat animé. La Chine s'est montrée peu encline à le faire lors des négociations, mais a mis en place un financement alternatif pour le climat via son fonds de coopération climatique Sud-Sud. Vous trouverez plus d'informations à ce sujet dans un long entretien avec un expert chinois sur Carbon Brief. Selon ce dernier, la plus grande contribution de la Chine pourrait être les importants investissements nationaux dans des technologies à faible émission de CO2 abordables, qui pourraient ensuite être utilisées dans le monde entier. L'Allemagne a joué un rôle similaire en subventionnant l'énergie solaire dans les années 2000, ce qui a entraîné une baisse des prix dans le monde entier.
Les pays doivent réduire les émissions pour protéger les océans
En mai, le Tribunal international du droit de la mer a publié un avis juridique : les gaz à effet de serre sont une forme de pollution marine et les gouvernements sont donc tenus de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. C'est la première fois qu'un tribunal international précise les obligations juridiques des gouvernements en matière de climat dans le cadre de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer. L'avis a été adopté à l'unanimité par 21 juges élus par les 169 pays membres de la Convention. Les plaignants pour le climat devant les tribunaux nationaux et régionaux peuvent désormais s'y référer. L'avis devrait également influencer les prochaines négociations internationales sur le climat en Azerbaïdjan, car il confère aux pays en développement concernés un plus grand pouvoir de négociation. Plus d'informations sur Inside Climate News.
Les émissions de la Chine en baisse, un tournant ?
Les émissions de CO2 de la Chine ont baissé de 3% en mars 2024. Au cours des 14 mois qui ont suivi la levée des contrôles "Zéro Covid" du pays et le redémarrage de l'économie, les émissions ont toujours augmenté. Une nouvelle analyse pour Carbon Brief indique que les émissions de la Chine ont atteint un pic en 2023 et qu'elles pourraient maintenant diminuer lentement. Le développement de l'énergie solaire et éolienne, qui a couvert 90% de l'augmentation de la demande en électricité, ainsi que la baisse de l'activité dans le secteur de la construction ont été les facteurs décisifs de la baisse en mars 2024.
La stratégie de transition énergétique de la Chine a changé radicalement en 2020, lorsque le président Xi Jinping a annoncé que la Chine devrait atteindre la neutralité carbone avant 2060. Le nouveau China Energy Transformation Outlook 2023 modélise trois scénarios pour la transition énergétique de la Chine. Dans le scénario le plus ambitieux, le secteur énergétique de la Chine sera exempt de combustibles fossiles d'ici 2055, tandis que certaines industries continueront à utiliser une petite quantité de charbon et de gaz, compensée par le captage et le stockage du carbone. Plus sur Carbon Brief.
La politique climatique de l'UE influence la Chine
Dans le cadre de son système de gestion de l'empreinte carbone, la Chine a publié une méthodologie pour calculer les émissions de gaz à effet de serre de 100 produits "importants" à forte intensité de CO2 (qui devraient être portés à 200 d'ici 2030). Il est fort probable que la Chine réagisse ainsi à l'introduction du mécanisme de compensation des émissions de CO2 de l'UE (CBAM). Le CBAM vise à garantir que les biens importés de pays ayant des objectifs moins stricts en matière de protection climatique paient le même prix pour le CO2 que les biens produits dans l'UE. Pour ce faire, des droits de douane sont appliqués à certains biens importés, en tenant compte de leurs émissions de CO2 . Le CBAM vise à inciter les partenaires commerciaux internationaux à réduire leurs émissions. C'est exactement ce qui semble se passer aujourd'hui en Chine. Plus d'informations sur Asia Financial.
Les énergies renouvelables se développent rapidement, mais pas assez vite
L'année dernière, on a assisté à une augmentation record de 560 GW de la capacité d'énergie renouvelable, soit une hausse de 64% par rapport à 2022. Certains pays dépassent même leurs objectifs nationaux. Ceci est du au fait que les énergies solaire et éolienne sont moins chères que les combustibles fossiles. La Chine a développé plus de nouvelles capacités renouvelables que le reste du monde réuni.
Malgré ces mesures politiques et ces tendances, la capacité mondiale des énergies renouvelables ne fera qu'un peu plus que doubler d'ici 2030, et non pas tripler comme cela serait nécessaire, selon une analyse de l'Agence internationale de l'énergie. L'AIE a examiné les stratégies et objectifs nationaux de près de 150 pays et a constaté qu'ils conduiraient à la production d'environ 8 000 GW d'énergies renouvelables d'ici 2030. Cela correspond à environ 70% de ce qui est nécessaire (11 000 GW) pour tripler l'électricité produite à partir de sources renouvelables d'ici 2030. Plus dans le Guardian.
L'énergie éolienne progresse
Selon un nouveau rapport du Global Wind Energy Council (GWEC), 117 GW de nouvelle énergie éolienne ont été installés l'année dernière, soit 50% de plus que l'année précédente. Plus de 65% de ces installations ont été construites en Chine, suivie par les États-Unis, le Brésil, l'Allemagne et l'Inde. L'année dernière, la capacité totale d'énergie éolienne a dépassé pour la première fois le térawatt.
Mais, pour atteindre l'objectif mondial de tripler les énergies renouvelables d'ici 2030, il faudra atteindre deux térawatts d'ici 2030. "Il nous a fallu plus de 40 ans pour atteindre 1 TW. Maintenant, il ne nous reste que sept ans pour installer les 2 TW suivants", a déclaré le directeur général du GWEC, Ben Backwell. La croissance est fortement concentrée sur quelques grands pays. De nombreux autres pays devraient supprimer les obstacles pour pouvoir développer l'énergie éolienne. Les gouvernements devraient également se concentrer beaucoup plus sur la modernisation de leurs réseaux électriques, qui constituent en de nombreux endroits un obstacle majeur au progrès. Plus sur Reuters.
Le graphique ci-dessous montre que la Chine investit 3,7 fois plus dans les énergies renouvelables que dans les combustibles fossiles. L'Europe investit 5,5 fois plus. Les États-Unis et le Canada investissent le plus d'argent dans les combustibles fossiles. Et les pays du Moyen-Orient investissent toujours 5,4 fois plus dans les combustibles fossiles que dans les énergies propres.
Accord sur le plastique et commerce des indulgences
Il est urgent de lutter contre la pollution plastique, car elle contribue à la crise climatique, à la perte de biodiversité et à la pollution chronique. En avril, le quatrième cycle de négociations des Nations unies pour un accord mondial contre les déchets plastiques a eu lieu. Il devrait être adopté en 2025. En amont de la réunion, une nouvelle étude a clairement indiqué que seule une réduction de la production de nouveaux plastiques permettrait de réduire considérablement la pollution plastique. Selon une estimation, la production de plastique a généré en 2019 environ 6% des émissions mondiales de CO2 - autant que 600 centrales électriques au charbon. On s'attend à ce que l'utilisation du plastique, en particulier en Asie, en Afrique et en Amérique latine, puisse doubler ou tripler d'ici 2050.
24% des déchets plastiques proviennent de Coca-Cola, Danone, Nestlé, Pepsico et des entreprises de tabac Altria et Philip Morris International, selon une nouvelle étude publiée dans Science Advances. L'industrie du plastique montre peu d'intérêt à réduire sa production et veut désormais miser davantage sur les certificats plastiques. Une entreprise qui utilise ou produit du plastique peut obtenir des certificats qui correspondent à la réduction des déchets plastiques ailleurs. De tels certificats plastiques ont été lancés en 2021 avec l'initiative 3R. Verra, l'un des plus grands contrôleurs de certificats CO2 , est l'un des plus fervents défenseurs de ces certificats plastiques. Cette compensation est fortement critiquée par les défenseurs de l'environnement, car elle pose de nombreux problèmes sociaux et environnementaux, à l'instar des compensations de CO2 . Pour en savoir plus sur l'accord sur le plastique, voir Klimareporter et The Guardian ; pour en savoir plus sur les certificats plastiques, voir New Republic.
Politique climatique européenne
Les plans climatiques des États membres de l'UE ne sont pas sur la bonne voie
Afin de pouvoir comparer les politiques climatiques des États membres de l'UE, ces derniers sont tenus de présenter leurs politiques nationales en matière d'énergie et de climat pour une période de 10 ans dans les plans nationaux pour l'énergie et le climat (PNEC). Les PNEC actuels couvrent la période 2021-2030. D'ici fin juin 2024, les Etats membres devront présenter à la Commission un rapport d'avancement de leurs PNEC.
Un nouveau rapport de l'association climatique CAN Europe atteste que les plans présentés par 18 pays examinés ne sont pas suffisants pour respecter l'accord de Paris sur le climat ou les objectifs 2030 de l'UE. Cela n'est pas compatible avec le droit européen. L'association appelle donc à plus d'ambition dans les Etats membres et exhorte la Commission à faire pression pour plus de protection du climat dans les Etats membres.
Bilan positif du Green Deal de l'UE
Lors de son entrée en fonction, la présidente de la Commission Ursula von der Leyen (CDU) s'est fixé l'objectif ambitieux de faire de l'Europe le premier continent climatiquement neutre d'ici 2050. Pour réaliser ce projet, de nombreux actes législatifs ont été introduits ou actualisés dans le cadre du "Green Deal" global de l'UE. Aujourd'hui, au vu de la législature actuelle, il est possible de dresser un bilan : l'Europe s'est clairement engagée à mieux protéger le climat, mais il reste encore beaucoup à faire pour atteindre l'objectif de la neutralité climatique d'ici 2050.
Par exemple, une loi européenne sur le changement climatique a été introduite, le système européen d'échange de quotas d'émission a été réformé, les objectifs de développement des énergies renouvelables ont été augmentés, diverses directives sectorielles ont été renforcées et un fonds social pour le climat a également été créé. Cependant, tous les projets n'ont pas été mis en œuvre avec succès. Ainsi, la réforme de la directive sur la taxation de l'énergie est restée sans succès jusqu'à présent. Un rapport est disponible sur le site de la Fondation pour le droit à l'énergie environnementale.
Les résultats positifs de cette politique se font déjà ressentir. Par exemple, les émissions du secteur de l'électricité ont diminué de 20 % depuis 2019, comme le montre une analyse de Carbon Brief. En proportion, le secteur de l'électricité de tous les États membres de l'UE est plus propre qu'il y a cinq ans. L'Allemagne a obtenu le plus grand succès en termes absolus, suivie par le Portugal, la Lettonie et la France en termes relatifs. Selon Fridays for Future, le Green Deal a déjà permis de corriger la trajectoire climatique de l'UE de plus d'un degré. Malgré cela, l'UE n'est pas sur une trajectoire suffisante pour respecter les objectifs climatiques de Paris, selon le Climate Action Tracker. Les organisations environnementales comme le WWF ou le DNR demandent donc à la nouvelle Commission de faire davantage d'efforts en matière de protection du climat.
L'Europe a voté : Le virage à droite n'a pas eu lieu
Entre le 6 et le 9 juin 2024, des élections au Parlement européen ont été organisées dans les États membres de l'UE. Malgré les gains parfois importants du Parti populaire européen (PPE) conservateur (+10 sièges) et du Parti conservateur et réformateur européen (ECR) et du Parti identité et démocratie (ID) de droite (+4 et +9 sièges) au Parlement européen, le virage à droite n'a pas été aussi important que beaucoup le craignaient avant les élections (voir par exemple Euractiv ou le Centre fédéral pour l'éducation politique). Les sociaux-démocrates du S&D ont perdu quatre sièges. Les Verts et le parti libéral Renew Europe ont toutefois subi des pertes importantes. Ils devront ainsi perdre respectivement 18 et 23 sièges au cours de la prochaine législature.
En Autriche et en Allemagne notamment, le parti d'extrême droite FPÖ a enregistré une nette progression avec plus de 25 % des voix totales, tout comme l'AfD avec un peu moins de 16 %. Juste devant l'ÖVP, le FPÖ est ainsi devenu la première force en Autriche. L'AfD est arrivée en deuxième position en Allemagne. Avec une nette avance de 16 %, les nationalistes et la droite populiste du Rassemblement national sont devenus la première force en France avec plus de 31 % des voix. En Italie également, les "Fratelli d'Italia" de droite l'ont emporté avec près de 29 %. Le camp pro-européen du président Macron n'a obtenu que 15 %. Après ce cuisant revers électoral, Macron a annoncé de nouvelles élections à l'Assemblée nationale pour fin juin 2024 (Spiegel). Des informations détaillées sur les résultats peuvent être consultées ici.
Certains États membres ont toutefois connu des évolutions plus positives. Ainsi, aux Pays-Bas, sous la direction de l'ancien commissaire européen au climat Frans Timmermans, l'alliance électorale GroenLinks-PvdA a pu progresser et devenir la première force. Dans les trois pays nordiques de l'UE, le populisme de droite n'a pas non plus fait recette, comme le titre le journal télévisé.
Outre les nouvelles élections annoncées en France et d'autres changements politiques, il reste à voir quelles seront les conséquences de ces élections pour une politique climatique et environnementale progressiste et ambitieuse de l'UE. Ainsi, dans les semaines à venir, le Conseil de l'UE définira l'agenda stratégique de la nouvelle Commission.
Il faudra également voir si la présidente en exercice de la Commission, Ursula von der Leyen, mise sur une alliance au centre entre les S&D, les libéraux de Renew Europe et son PPE, ou si elle se dirige vers le bloc de droite. "Le Green Deal [est] entre les mains des conservateurs", a écrit le Tagesspiegel Background (Paywall). "C'est maintenant que le mur coupe-feu doit être dressé contre l'extrême droite", a averti le DNR.
Allemagne
Cour : le gouvernement fédéral doit fournir plus de protection climatique
L'association Deutsche Umwelthilfe a de nouveau remporté une victoire importante en déposant une plainte devant le tribunal administratif supérieur de Berlin-Brandenburg. Le tribunal a demandé au gouvernement fédéral d'élargir le "programme de protection du climat" existant par des mesures supplémentaires. Selon le tribunal, le programme actuel ne suffit pas pour atteindre l'objectif de protection climatique fixé pour 2030. Le tribunal a constaté que le programme de protection climatique 2023 souffrait de défauts méthodologiques et reposait en partie sur des hypothèses irréalistes. Le directeur fédéral de la DUH, M. Resch, voit dans ce jugement "une gifle méritée pour la pseudo-politique de protection du climat du gouvernement fédéral".
Le jugement n'est pas encore définitif, une révision a été autorisée. Reste à savoir quel sera l'impact de la récente mise à jour de la loi fédérale sur la protection du climat, vivement critiquée par les organisations environnementales.
L'objectif climatique 2030 ne sera probablement pas respecté après tout
Il n'y a pas qu'au tribunal que le gouvernement fédéral a dû entendre qu'il n'agissait pas assez dans l'ensemble en matière de protection du climat. Le "Conseil d'experts pour les questions climatiques" (plus d'infos ici) a également présenté début juin un rapport spécial qui contredit le ministre de l'Economie Habeck. En effet, ce dernier annonçait encore en mars que les objectifs de protection du climat permettaient à l'Allemagne d'être globalement sur la voie de la protection du climat. Malgré d'importants succès en matière de protection du climat, le professeur Henning, président du conseil d'experts, est arrivé à la conclusion suivante : "Au total, nous ne pouvons pas confirmer [...] la réalisation des objectifs pour les années 2021 à 2030, mais partons au contraire du principe que les objectifs ne seront pas atteints".
Le Conseil d'experts critique le fait que les succès dans tous les grands secteurs sont moins importants que ce qui avait été annoncé dans le rapport de projection. Cela s'explique notamment par le fait que les fonds disponibles pour la transformation sont moins importants que prévu. Le conseil d'experts recommande ainsi d'examiner rapidement des mesures supplémentaires de protection du climat. Selon le ministère fédéral de l'Économie et de la Protection du climat, d'autres mesures seront prises conformément à la loi modifiée sur la protection du climat si le conseil d'experts constate l'année prochaine que l'objectif n'est toujours pas atteint. Plus d'informations sur l'expertise chez Tagesschau et Der Spiegel.
Les organisations environnementales ont critiqué la nouvelle confirmation que la politique de protection du climat du gouvernement fédéral n'est pas suffisante. Le WWF a commenté que "des estimations approximatives ne suffisent pas en matière de protection du climat", tandis que le BUND estime que les objectifs climatiques sont menacés par la "politique d'austérité draconienne" du gouvernement fédéral.
De vastes manifestations pour la protection du climat et contre l'extrême droite avant les élections européennes
Le 31 mai, Fridays for Future a appelé, dans le cadre d'une alliance d'autres associations, à une grève du climat pour les élections européennes. Selon les médias, des milliers de personnes sont descendues dans les rues d'Allemagne pour protester en faveur d'une meilleure protection du climat dans la politique européenne et pour s'opposer clairement à l'extrémisme de droite. Des appels à manifester ont également été lancés dans d'autres pays européens. L'activiste climatique Carla Reemtsma a lancé une mise en garde contre d'éventuelles alliances avec des extrémistes de droite au Parlement européen : "Les négationnistes du climat ne doivent pas être des partenaires de coalition". Le mouvement a appelé à sortir des énergies fossiles d'ici 2035 et à doubler les investissements dans les énergies renouvelables et les industries neutres pour le climat.
Le 8 juin également, un jour avant les élections européennes en Allemagne, des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue sous le slogan "Pour une démocratie forte partout en Europe : stopper l'extrémisme de droite, défendre la démocratie". Les organisations sociales, environnementales et syndicales ont exigé le développement de normes sociales et environnementales à l'échelle européenne ainsi que le renforcement des investissements d'avenir.
La loi sur le stockage du CO2 crée de la frustration
Le captage et le stockage du CO2 ("Carbon Capture and Storage", CCS) suscite depuis longtemps des tensions dans la politique climatique allemande. Certains y voient un élément central de la protection du climat, d'autres un danger flagrant pour l'environnement. Fin mai, le cabinet fédéral a adopté un projet de loi actualisé sur le stockage du carbone (KSpG). A l'avenir, le captage et le stockage de CO2 dans les fonds marins devraient être autorisés pour les émissions provenant de la production d'acier et de ciment ainsi que de l'incinération des déchets - des secteurs où la décarbonisation complète n'est guère possible autrement. Il devrait aussi être possible de stocker du carbone sous terre.
Les organisations environnementales émettent des réserves quant à la protection du climat et de l'environnement. La critique porte en particulier sur le fait que les émissions de la production d'électricité à partir de gaz naturel, qui pourraient être évitées par l'utilisation d'énergies renouvelables, doivent également être stockées. Le WWF a estimé qu'il s'agissait d'un "laissez-passer pour les centrales à gaz". Le BUND y voit un affaiblissement du tournant énergétique. Des politiciens du climat issus des rangs du gouvernement ont également critiqué le projet de loi, estimant qu'il dépassait les limites du contrat de coalition. Pour en savoir plus, consultez Klimareporter, taz et FAZ.
La crise climatique visible
Records de température et vagues de chaleur mortelles
Durant l'été 2023, il n'a jamais fait aussi chaud dans l'hémisphère nord depuis 2000 ans. C'est le résultat d'une analyse des anneaux de croissance des arbres. La largeur des anneaux que forment les arbres chaque année donne une indication sur la chaleur de l'été. Pour l'étude publiée dans Nature, les températures estivales ont été reconstituées année après année. Il s'est avéré que la température de l'été dernier était supérieure d'au moins 0,5 °C à celle de l'année 246 av. J.-C., l'été le plus chaud avant le début des mesures directes de température. Plus d'informations dans la NZZ (paywall) et dans le Scientific American.
La chaleur exceptionnelle se poursuit en 2024 : en avril et en mai, les températures les plus élevées depuis le début des relevés ont été mesurées, selon le service européen de climatologie Copernicus. En avril, la température moyenne à la surface du sol était de 15,03 °C. C'est 0,67 °C de plus que la moyenne des années 1991-2020 pour le mois d'avril et 1,58 °C de plus que la période préindustrielle (1850-1900). En mai, les écarts étaient tout aussi importants. Depuis un an, une nouvelle valeur maximale a donc été enregistrée chaque mois. Le Tages-Anzeiger (paywall) fournit un aperçu de ce brusque réchauffement. Le graphique ci-contre, de Copernicus, montre à quel point les valeurs sont extrêmes.
Selon une analyse de CarbonBrief, la Terre pourrait dépasser le seuil de 1,5°C à la fin des années 2020 ou au début des années 2030. Cela ne signifie pas que la limite définie dans l'accord de Paris sur le climat sera dépassée dans un an ou même deux. Ces températures annuelles incluent l'influence à court terme des variations climatiques naturelles comme El Niño. Le dépassement de 1,5 °C se réfère plutôt au réchauffement à long terme.
Près de 70% des terres émergées de la planète se trouvent dans l'hémisphère nord. Près de 90% de la population mondiale y vit. Cela signifie que jusqu'au mois d'août, de très nombreuses personnes peuvent être exposées à une chaleur exceptionnelle. La situation en Inde est extrême. Pour la troisième fois consécutive, il y règne une chaleur exceptionnelle dès le début de l'été. Les annonces de décès se sont multipliées et il est encore difficile d'en évaluer l'ampleur. Il est clair que le changement climatique rend les périodes de chaleur extrême plus fréquentes, plus longues et plus violentes. Les scientifiques mettent en garde contre des conséquences qui pourraient mettre en danger la vie de plus d'un milliard de personnes. Pour en savoir plus, consultez Nature, le NY Times et le blog de l'auteur sur le climat Bill McKibben.
En avril, une vague de chaleur en Afrique de l'Ouest avait coûté la vie à des centaines ou des milliers de personnes, les chiffres exacts ne sont pas disponibles. Une étude du World Weather Attribution Group montre que la hausse des températures dans la région n'aurait pas été possible sans le changement climatique provoqué par l’humain. Plus d'informations sur NPR.
Le changement climatique et la chaleur qui en découle entraînent des risques supplémentaires pour la santé et la sécurité de 70% de la main-d'œuvre mondiale. C'est ce que révèle l'Organisation internationale du travail (OIT) dans un rapport. La chaleur extrême peut entraîner des coups de chaleur, une déshydratation grave et un épuisement pouvant aller jusqu'à la mort. Parallèlement, le risque d'accident augmente. La protection du travail existante ne suffit plus, constatent les auteurs de l'étude. Plus d'informations sur klimareporter.
Le podcast treibhauspodcast.ch s'intéresse également aux vagues de chaleur. Le dernier épisode montre pourquoi les chaleurs exceptionnelles deviennent dangereuses pour la santé (et même la vie) de plus en plus de personnes. Des solutions y sont présentées pour protéger les personnes contre les vagues de chaleur, comme par exemple les abris climatiques à Barcelone. Les océans se réchauffent de plus en plus
Les océans se réchauffent également de plus en plus. Depuis mai 2023, la température globale à la surface de l'océan n'a jamais été aussi élevée chaque jour, rapporte la BBC. Des eaux plus chaudes peuvent entraîner des cyclones plus violents. Et elles provoquent un blanchiment catastrophique des coraux. Les récifs coralliens sont les écosystèmes marins les plus riches en espèces. Plus de la moitié d'entre eux sont touchés par le blanchiment ; la situation est particulièrement grave dans la Grande Barrière de corail en Australie, rapporte Nature. Pour l'océanographe Mike Meredith, du British Antarctic Survey, ce sont "de véritables signes que l'environnement pénètre dans des zones où nous ne voulons vraiment pas qu'il pénètre, et si cela continue, cela aura de graves conséquences".
Parmi les raisons du fort réchauffement de la surface des océans, les spécialistes discutent depuis longtemps de l'influence que peuvent avoir de nouvelles règles pour la navigation. Depuis 2020, la teneur en soufre du diesel des bateaux est plafonnée. Depuis lors, les bateliers émettent moins de dioxyde de soufre. Une étude de Nature montre désormais que les nouvelles règles réduisent certes de manière spectaculaire la pollution atmosphérique des navires. Mais jusqu'à présent, le dioxyde de soufre avait pour effet d'augmenter la réflexion de la lumière du soleil à la surface de l'eau. Cet effet de refroidissement a désormais disparu. Ainsi, une expérience de géo-ingénierie (via l'émission de dioxyde de soufre) menée depuis des décennies a pris fin brutalement. Plus d'informations dans le Tages-Anzeiger (paywall).
Inondations à grande échelle autour du globe
Des précipitations extrêmes ont provoqué de graves inondations et des ravages dans de nombreuses régions du monde. En Papouasie-Nouvelle-Guinée, un glissement de terrain a fait plus de 2000 victimes. Le Premier ministre de cette île du Pacifique a mis en cause les pluies exceptionnelles et les changements de modèles météorologiques, écrit le Guardian.
De grandes parties de l'Afrique de l'Est ont également été dévastées par de violentes précipitations. Des centaines de personnes ont été tuées et des dizaines de milliers ont perdu leur maison. Le Kenya a été durement touché, et la Tanzanie, le Burundi, la Somalie et le Rwanda sont également confrontés à des inondations. Plus d'informations dans le Guardian et sur klimareporter.
Au Brésil, de vastes zones ont été inondées. Près de 170 personnes sont mortes après de fortes précipitations et les maisons de 80 000 personnes ont été détruites. Selon une étude d'attribution, le changement climatique a rendu cet événement extrême deux fois plus probable. Plus d'informations dans le Guardian.
L'Allemagne a également été touchée par de fortes précipitations et des inondations (tagesschau et NY Times, paywall)
Nouvelles de la science du climat
Les émissions mondiales pourraient bientôt baisser
La concentration de CO2 dans l'atmosphère est passée à 419ppm, soit 50 % de plus qu'avant l'industrialisation. Mais il se peut que des années d'efforts pour une meilleure protection du climat aient enfin un peu d'effet. Il faudra sans doute encore un certain temps avant que la concentration ne redescende, mais il est fort probable que les émissions mondiales de CO₂ cessent d'augmenter. Elles ont atteint leur point culminant. C'est la conclusion à laquelle sont parvenues indépendamment trois institutions renommées (Bloomberg NEF, Carbon Brief, Climate Analytics). Le graphique de Bloomberg montre où nous en sommes et où nous devons aller. L'énergie et les transports sont les principaux responsables des émissions, et c'est dans ces secteurs que les émissions sont en baisse. Plus d'informations sur Krautreporter.
Source : Bloomberg
Réduire les émissions est 6x moins cher que d'attendre
Réduire les gaz à effet de serre pour limiter le réchauffement de la planète à 2°C est six fois moins cher que de payer les dommages qui seraient causés autrement. C'est ce que montre une nouvelle analyse publiée dans Nature. Les chercheurs du PIK ont étudié les coûts liés au climat dans 1600 régions du monde. Selon eux, le coût des dommages causés par le changement climatique s'élèvera en moyenne à 38 trilliards de dollars US par an d'ici 2049. Les pays qui souffrent déjà aujourd'hui de la hausse des températures - surtout dans les régions tropicales - devront supporter une plus grande partie du fardeau.
D'ici 2050, le changement climatique entraînera une baisse d'environ 19% du revenu par habitant dans le monde, par rapport à un monde sans crise climatique. D'ici 2100, ce serait 60%. Dans ce modèle, les dommages économiques sont encore plus élevés dans les pays à faible revenu comme le Brésil, certaines régions d'Afrique de l'Ouest et le Pakistan.
Une étude publiée dans Nature Climate Change de l'EPF de Zurich estime la perte de revenus globale à 10-12%, en supposant une augmentation de la température de 3 degrés au-dessus de la moyenne préindustrielle. Comme dans le travail du PIK, les coûts économiques sont considérés comme bien plus élevés dans les pays à faible revenu. Plus d'informations sur Forbes, Nature et NZZ (paywall).
SUV consomment 95 millions de litres de carburant par jour
Si les Sport Utility Vehicles (SUV) étaient un pays, ils seraient le cinquième plus grand émetteur de CO2 au monde. Une analyse de l'Agence internationale de l'énergie a révélé que ces grosses voitures étaient responsables de plus d'un quart de l'augmentation de la demande de pétrole en 2022 et 2023. Durant cette période, la consommation mondiale de carburant a augmenté de plus de 95 millions de litres par jour à cause des SUV. Les SUV ont en grande partie annulé les améliorations de l'efficacité des autres types de voitures. La part des SUV dans les ventes mondiales de voitures atteindra un nouveau record en 2023, avec 48%.
Mais les gens n'ont pas soudainement commencé à aimer davantage les grosses voitures. Une politique mal orientée a permis l'énorme augmentation des SUV, comme le montre une analyse de VOX. Aux Etats-Unis, plus de quatre véhicules (neufs) sur cinq vendus aujourd'hui sont des SUV et des pick-up, contre un peu plus de la moitié en 2013. Sous la pression de l'industrie automobile, le Congrès américain a décidé dans les années 90 d'introduire deux réglementations distinctes en matière d'efficacité : l'une applicable aux voitures particulières et l'autre, plus faible, aux véhicules utilitaires légers, y compris les pick-up et les SUV.
Le passage aux véhicules électriques pourrait encore accentuer la tendance aux voitures surdimensionnées. En effet, selon l'Agence américaine de protection de l'environnement, toutes les voitures électriques sont considérées comme ne produisant pas d'émissions, quelle que soit leur taille. Or, une grande batterie ou une batterie inefficace consomme beaucoup plus d'électricité. Plus d'informations sur Bloomberg, VOX. ABC News d'Australie a publié une analyse comparant les SUV et les VE.
Les gros véhicules tout-terrain et les SUV sont également de plus en plus présents sur les routes suisses. En 2019, ils représentaient près de 40% des voitures neuves. 130 000 voitures neuves de ce type ont été immatriculées, alors qu'elles n'étaient que 50 000 en 2010. Cette augmentation est bien supérieure à la moyenne européenne.
Les voitures hybrides sont nettement moins respectueuses du climat que les vehicules électriques
Cette année, environ 16,6 millions de véhicules électriques seront vendus dans le monde, selon les prévisions mondiales. L'année dernière, ce chiffre était de 14,2 millions. La part de marché mondiale de l'ensemble des véhicules électriques atteindra 19%. Cette augmentation est tirée par la Chine, où la part des voitures rechargeables est passée de 33 % l'année dernière à 44 % en avril. Les ventes de voitures électriques en Chine représentent désormais bien plus de la moitié du marché mondial. En 2023, la Chine a vendu presque trois fois plus de véhicules électriques que l'UE et cinq fois plus que les États-Unis.
Mais tous les véhicules électriques n'ont pas le même impact sur le climat. La Commission européenne rapporte que l'hybride rechargeable typique qui sera vendu en 2021 émettra plus de trois fois plus de CO2 que ce qui est déclaré. La raison principale est que les conducteurs utilisent plus d'essence et moins d'énergie de la batterie que prévu. La consommation de carburant a été mesurée directement sur un grand nombre de véhicules. Dans la pratique, l'hybride essence-plug-in typique présentait des émissions inférieures d'environ 25% seulement à celles d'une voiture à essence pure. Les émissions réelles des véhicules à essence pure et des véhicules diesel étaient également supérieures d'environ 20% aux valeurs obtenues lors des tests standard. L'augmentation actuelle des ventes de véhicules hybrides rechargeables dans le monde devrait donc être freinée par les gouvernements et les autorités de régulation. Pour en savoir plus, consultez la Commission européenne et le Guardian.
Les aliments en décomposition nuisent au climat
Environ un tiers de toute la nourriture produite finit à la poubelle et génère, en pourrissant, des gaz à effet de serre qui réchauffent le climat. S'il s'agissait d'un pays, ce gaspillage alimentaire serait la troisième plus grande source d'émissions de gaz à effet de serre au monde, selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture. Une étude réalisée en 2023 a par ailleurs révélé que les gaz à effet de serre provenant des pertes et des déchets alimentaires représentaient près de la moitié de toutes les émissions du système alimentaire. De nouvelles recherches publiées dans Environmental Research Letters, montrent qu'un refroidissement insuffisant dans la chaîne d'approvisionnement entraîne chaque année jusqu'à 620 millions de tonnes de déchets alimentaires, générant ainsi 1,8 milliard de tonnes d'équivalents CO2. Selon l'étude, l'augmentation du refroidissement lors du traitement et du transport des aliments ainsi que le raccourcissement des chaînes d'approvisionnement pourraient réduire considérablement les émissions et éviter les pertes alimentaires dans le monde entier. Plus d'informations sur Carbon Brief.
Nouveau rapport de synthèse sur les émissions négatives
Le nouveau rapport sur l'élimination du CO2 donne un aperçu de l'état actuel de l'élimination du CO2 . Les techniques d'élimination du dioxyde de carbone, plus connue sous l'expression anglaise carbon dioxide removal (CDR) ou émissions négatives, retirent déjà de l'atmosphère 2 milliards de tonnes de CO2 par an. Actuellement, nous émettons environ 40 milliards de tonnes chaque année. Plus de 99,9 % des émissions négatives proviennent de la plantation d'arbres et de la reforestation. Le grand intérêt des pays les plus émetteurs pour les forêts tropicales en tant que compensation climatique a conduit à ignorer les besoins des personnes qui dépendent de ces forêts, peut-on lire dans un éditorial de Nature. Plus de 60% des surfaces boisées dans les pays en développement fournissent des certificats de CO2 sans que cela ait un impact sur le bien-être économique des communautés forestières.
Si le CDR doit être utilisé d'une manière plus "durable", par exemple sans provoquer de déforestation ou menacer la biodiversité, la quantité de CDR est beaucoup plus faible. Néanmoins, entre 7 et 9 milliards de tonnes de CO2 devront être retirées chaque année d'ici 2050 pour respecter l'objectif de 1,5 degré.
Le rapport constate que la capture et le stockage direct du carbone dans l'air (Direct Air Carbon Capture and Storage, DACCS) suscite le plus d'intérêt auprès des grands investisseurs. De grandes start-up dans le domaine de la CDR, comme Climeworks et Carbon Engineering, ont reçu des investissements de Microsoft, Airbus, Chevron, JP Morgan. Des installations expérimentales plus importantes sont les Regional Direct Air Capture Hubs aux États-Unis (qui a été financé par le gouvernement à hauteur de 3,5 milliards de dollars) et Mission Innovation (une initiative internationale visant à permettre aux technologies CDR d'atteindre une réduction nette de 100 millions de tonnes de CO2 par an dans le monde d'ici 2030). Plus d'informations sur Carbon Brief, SRF, le New Yorker (paywall) et sur l'entreprise suisse Climeworks sur Notre Temps.
Le prix agit sur CO2
L'échange de quotas d'émission et les taxes sur le CO2 sont efficaces, montre une nouvelle méta-analyse publiée dans Nature. Il existe dans le monde plus de 70 instruments politiques permettant de fixer un prix pour le CO2 - systèmes d'échange de quotas d'émission, taxes et impôts - mais leur contribution à la réduction des émissions reste controversée dans les milieux scientifiques et politiques. L'étude a évalué l'efficacité de 21 de ces mécanismes de prix. Pour au moins 17 d'entre eux, l'introduction d'un prix du CO2 a entraîné des réductions d'émissions, bien que les prix aient été faibles dans la plupart des cas. Les réductions d'émissions se situent entre 4 % et 15 %.
Dans les systèmes pilotes d'échange de quotas d'émission en Chine, la réduction de CO2 a atteint 13,1%. C'est nettement plus que dans le système d'échange de quotas d'émission de l'UE (-7,3 %) ou par la taxe sur le CO2 en Colombie-Britannique (-5,4 %). Et ce, malgré les prix très bas des systèmes chinois. Il s'agit probablement d'une conséquence des coûts d'évitement plus faibles en Chine, ainsi que des conditions politiques différentes dans les pays. L'efficacité des mécanismes de prix est fortement influencée par d'autres mesures politiques. Plus d'informations sur Nature et Klimareporter.
Actif contre le désespoir
Il faut un optimisme tenace
Ils se sentent désespérés, abattus et en colère, ont déclaré de nombreux scientifiques du climat au Guardian, car ils travaillent sur la crise climatique depuis des décennies et ne voient toujours pas assez d'action. Christiana Figueres, directrice de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 2010 à 2016, a écrit dans un éditorial du Guardian : "Je partage leurs sentiments de désespoir. Un sentiment de désespoir est compréhensible, mais il nous prive de notre capacité d'action et empêche la coopération radicale dont nous avons besoin. Nous avons tous le droit de pleurer la perte d'un avenir sans la crise climatique. C'est une perte profonde et difficile. Mais un deuil qui s'arrête au désespoir est une fin que moi et beaucoup d'autres ne sommes pas prêts à accepter. Nous avons aussi la responsabilité - et la possibilité - de construire l'avenir autrement. Cela demandera une action collective beaucoup plus courageuse". Mais elle aussi doute parfois : "Peu après avoir pris mes fonctions de responsable climat de l'ONU en 2010, j'ai déclaré aux journalistes que je ne pensais pas qu'un accord mondial sur le climat serait possible de mon vivant. Mais immédiatement après, elle a dû changer d'attitude pour préparer les pays de manière proactive aux négociations climatiques de Paris. "C'était une bougie dans l'obscurité que j'ai utilisée pour allumer une étincelle chez beaucoup d'autres. J'utilise encore aujourd'hui la bougie de l'optimisme tenace - et je ne suis pas la seule. Un monde dans lequel nous dépassons 1,5 °C n'est pas gravé dans la pierre".
Comment accélérer la lutte contre le changement climatique
Ion Karagounis du WWF fait cinq propositions concrètes dans le TA Magazine (paywall) pour y parvenir : Imposer la protection du climat par le biais des tribunaux, accélérer les procédures d'autorisation, intensifier l'activisme, créer des conseils de l'avenir et un comité d'experts pour la politique climatique.
Changer la politique climatique au niveau local
L'Alliance pour le climat lance le nouveau projet OK Klima en partenariat avec l'Alliance Digitale. OK Klima vise à rendre la politique climatique des cantons et des communes suisses plus ambitieuse grâce à la transparence et à la participation. La nouvelle plateforme doit permettre aux autorités et aux politiciens de voir comment leurs communes et cantons se situent par rapport aux autres et de s'inspirer des bonnes pratiques. https://www.ok-klima.ch/
Aperçu des votations à venir et des initiatives :
- Initiative pour la biodiversité : 22 septembre (sur le lien entre climat et biodiversité, voir ce rapport)
- Référendum contre l'extension de l'autoroute : 24 novembre
- Initiative solaire : Les Verts récoltent des signatures pour leur initiative solaire. Elle veut rendre obligatoires les installations solaires sur les bâtiments.
- Initiative sur la place financière : le lancement pourrait avoir lieu cet été.
- Cette année encore, l'Alliance pour le climat veut lancer l'initiative populaire pour une place financière durable, afin de mettre le secteur sur la voie du climat.